Les plateformes numériques

Les plateformes numériques révolutionnent encore le secteur de l’audiovisuel

Comment les plateformes numériques parviennent-elles à nouveau à bouleverser le secteur de l’audiovisuel ?

Par Anne-Marie PECORARO - Avocat associé, spécialisé en Propriété Intellectuelle @Turquoise_Law

Il faut noter que le nouveau Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron, a des ambitions pour le secteur de l’audiovisuel, à savoir :
- Simplifier la réglementation audiovisuelle relative à la publicité, au financement et à la diffusion, dans le but de « préparer le basculement numérique, tout en préservant la diversité culturelle ».
- Renforcer le secteur public de l’audiovisuel afin qu’il puisse répondre aux attentes des citoyens français et accélérer sa transformation numérique, notamment en concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses mais entièrement dédiées à leur mission de service public.
- Rapprocher les sociétés audiovisuelles publiques « pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public ».

Diffusion, programmation et évolution du contenu

Le paysage des médias audiovisuels évolue promptement en raison de la convergence grandissante entre la télévision et les services en ligne.
Néanmoins, il est intéressant de souligner que ces nouveaux programmes en ligne doivent être conformes à la réglementation applicable aux programmes de télévision traditionnels.

Multiplication des méthodes de diffusion

Les consommateurs accèdent de plus en plus aux contenus audiovisuels par le biais d’appareils portables, ce qui modifie considérablement la façon dont les diffuseurs traditionnels organisent leurs activités et gèrent leurs droits.

En effet, au sein de l’Union Européenne, les téléphones portables semblent être l’appareil le plus utilisé par les jeunes générations pour se connecter aux réseaux sociaux et regarder des vidéos en ligne notamment. Cette augmentation de l’utilisation des smartphones a été facilitée par le développement de nouvelles applications permettant de diffuser des vidéos directement à partir de son smartphone et de partager instantanément tout type de contenus avec des amis, de la famille et même un très large public.

Le contenu audiovisuel est devenu l’un des types de contenus les plus consommés sur Internet et est très attrayant pour tous les acteurs de l’internet, car il a un fort potentiel d’audience. Les chaînes de télévision traditionnelles sont bien conscientes du fait que les technologies ont apporté des changements importants à la façon dont les utilisateurs accèdent à ce type de contenus.

En outre, les canaux de distribution alternatifs ont considérablement progressé au cours des cinq dernières années et un tout nouveau paysage multi-écrans est maintenant offert au public : TNT, satellite, câble, fournisseur d’accès, Internet, OTT, appareils mobiles et tablettes.

Enfin, cette diversité de canaux de distribution a invité les autorités européennes à rendre les nouvelles règles de radiodiffusion plus compatibles avec la façon dont les gens regardent les contenus durant leur voyage au sein de l’Union Européenne.

Evolution de la programmation et du contenu

En tenant compte des différentes innovations apportées à la façon dont le contenu est diffusé et les nouvelles habitudes de consommation, les producteurs et les radiodiffuseurs ont également dû adapter leurs contenus et leur programmation.

L’émergence de nouvelles méthodes de radiodiffusion a eu une incidence sur la nature des programmes.
En effet, les courts métrages sont de plus en plus attractifs pour le public, notamment grâce aux plateformes numériques telles que YouTube ou Netflix qui ont augmenté le visionnage de séries, et grâce au fait que la monétisation du contenu diffusé a considérablement évolué avec l’apparition de réseaux multicanaux.

Ainsi, en raison du succès des plateformes de diffusion en ligne, les chaînes de télévision traditionnelles ont décidé de passer aussi au numérique et ont élargi leurs activités en créant des canaux en ligne afin d’attirer les jeunes générations. Le marché numérique fait désormais partie de leurs priorités. Par exemple, la chaîne de télévision française M6 a récemment investi 6 millions d’euros dans le développement de son propre studio qui se concentrera sur la production de contenus audiovisuels à diffuser en ligne.

Néanmoins, les canaux en ligne soulèvent des questions importantes concernant le contrôle et la surveillance du contenu diffusé en ligne.
Par exemple, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a récemment mis en garde le producteur d’une émission diffusée sur YouTube, intitulée "Les recettes pompettes", où les présentateurs buvaient de l’alcool pendant qu’ils cuisinaient. En effet, selon le CSA français, ce programme a enfreint la loi française en matière de consommation d’alcool.
Cette décision est particulièrement intéressante parce que la CSA a fondé sa décision sur le fait que ce programme (diffusé sur une chaîne YouTube) devait être considéré comme un « SMAD » (médias audiovisuels à la demande) et que, à cet égard, les juridictions du CSA sont compétentes.

Par conséquent, face à la multiplication de la diffusion de contenus en ligne, les plateformes doivent faire leurs meilleurs efforts pour s’assurer de la fiabilité de ces contenus.

Financement audiovisuel et évolution publicitaire

Comme décrit précédemment, l’évolution de la manière dont le contenu est diffusé et suivi par les consommateurs a eu un impact sur le contenu en soi et par conséquent influence son financement.

Innovations financières

Les plateformes en ligne sont basées sur des modèles commerciaux très différents par rapport à ceux utilisés par les radiodiffuseurs traditionnels.
Les plateformes numériques audiovisuelles sont devenues populaires grâce aux facilités offertes aux consommateurs, par leurs technologies et algorithmes.

Dans leur logique initiale, les plateformes en ligne n’avaient pas à financer la production des contenus qu’ils avaient hébergé et partagé puisqu’ils étaient directement consommés par les utilisateurs finaux en puisant dans le vaste catalogue mondial des productions existantes.
Ainsi, contrairement aux radiodiffuseurs traditionnels, les plateformes en ligne avaient la possibilité de proposer de multiples offres innovantes aux consommateurs finaux sans s’appuyer sur les modèles de financement propres à l’industrie audiovisuelle.

Les plateformes en ligne et services ont concurrencé fortement les modèles audiovisuels traditionnels.
Les plateformes en ligne tendent à effacer les frontières entre les différents types de médias, professionnels et amateurs, gratuits et payants, ainsi que les frontières géographiques et ont un impact direct sur la façon dont l’économie audiovisuelle évolue.
Par exemple, la chaîne de télévision française Canal + a conclu un accord de réseau multicanal avec YouTube, selon lequel Canal + aura environ 20 chaînes sur YouTube afin d’optimiser sa visibilité sur Internet.

Ce qu’il faut retenir aujourd’hui c’est que des services en ligne tels que Netflix et Amazon ont évolué pour se positionner avec force comme des concurrents des studios traditionnels et financer eux-mêmes la production, générant ainsi une source de valeur considérable.
Deux films de long métrage sont retenus dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2017 !

Révolution publicitaire

Quels que soient les modèles de financement choisis pour la production audiovisuelle, les revenus publicitaires font presque toujours partie de l’équation.

En effet, les plateformes en ligne, comme YouTube (gratuit) ou Netflix (payant), ont un nombre impressionnant de visiteurs (plus de 1 milliard de visiteurs par mois sur YouTube par exemple) et travaillent constamment au perfectionnement de leurs systèmes publicitaires afin d’accroître la valeur de la publicité en ligne.

Depuis 2014, ces services sont appelés « Multi-Channel Networks » (MCN). Ces entreprises créent des comptes par le biais de plateformes en ligne utilisant des technologies Content ID (telles que YouTube CMS (Content Management System)) puis ajoutent à leur compte toute personne acceptant de travailler avec elles : ces entreprises peuvent ainsi utiliser la monétisation, bloquer et suivre les politiques dérivées des plateformes en ligne au nom de leurs clients.
Autrement dit, en accédant à un nombre illimité de données des utilisateurs, les sociétés du numérique prennent de la valeur.

Néanmoins, étant donné que les plateformes en ligne sont en mesure de traiter une telle quantité de données, des questions se sont posées sur la manière dont elles transmettent l’information et affichent la publicité.

À l’heure actuelle, même si la Commission européenne n’affirme pas clairement vouloir réglementer spécifiquement toutes les plateformes en ligne, elle travaille toujours à l’adaptation des règles existantes (protection des données, publicité en ligne, protection des consommateurs, droits d’auteur etc.) pour influencer la manière dont les plateformes en ligne fonctionnent. Son objectif serait de parvenir à un meilleur équilibre entre les différents acteurs de l’industrie audiovisuelle.

En France, des réglementations spécifiques ont été adoptées afin d’équilibrer la situation concernant les sociétés traditionnelles d’exploitation et les plateformes en ligne. Par exemple, en décembre dernier, le Parlement français a approuvé la "taxe YouTube".
Cette taxe est due par tout opérateur, quel que soit son lieu d’établissement, proposant un service en France qui donne ou permet l’accès, à titre onéreux ou gratuit, à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.
Elle est de 2% (ou 10% pour les contenus pornographiques ou violents) du chiffre d’affaires réalisé par chaque plateforme.

En outre, la loi pour une République numérique, N° 2016-1321 du 7 octobre 2016, a apporté de nouvelles dispositions dans le code de la consommation française concernant l’obligation de loyauté des plateformes en ligne envers les consommateurs.

Il est donc intéressant de souligner que les autorités françaises et européennes sont disposées à créer les conditions de marché favorables et l’environnement adéquat pour maintenir, accroitre et favoriser l’émergence de nouvelles plateformes ainsi que toutes les opportunités commerciales qui en découlent.

Après avoir participé au Festival de Cannes 2017, le cabinet ATurquoise sera présent au MIDEM (Marché international du disque et de l’édition musicale), les 6-9 juin 2017, avec l’IAEL (Association internationale des avocats du divertissement – www.iael.org/).
A l’occasion de l’un des plus importants rassemblements (à Cannes) des entreprises travaillant dans le secteur musical, l’IAEL présentera le nouveau livre du MIDEM 2017 sur l’impact des technologies disruptives au sein de l’industrie du divertissement, co-écrit et coédité par Me Anne-Marie PECORARO.

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