Photos : Jessica Backhaus

Photos : Jessica Backhaus, jusqu’au soleil !

La ligne du Centre de la photographie de Mougins ne change pas dans son exploration des tendances les plus variées et les plus inattendues du répertoire de la photographie contemporaine. Dirigeant cette fois notre regard sur l’œuvre toute de reliefs, de couleurs et de lumière de Jessica Backhaus. Car, oui, les photos de la jeune femme américano-allemande rivalisent avec la couleur de la peinture et la plasticité de la sculpture dans ses grands tirages pigmentaires de la série « Cuts Out » réalisée dans son appartement de Berlin, par un été caniculaire et de confinement général, entre 2018 et 2021.

Elle est fascinée par les collages, par le monde des papiers chinés lors de ses déplacements dont elle détient une collection invraisemblable. Elle les découpe et les expose au soleil. À celle qui aime tout contrôler, quelque chose échappe, ces petits bouts découpés se tordent, se contractent, se déforment à la chaleur, et surviennent de surprenantes structures en volumes… Leur texture, leur matière mate ou brillante, dense, tendre, et leur transparence se révèlent alors sous l’objectif et donnent prétexte à de multiples compositions. De ces mises en scène successives apparaît une série qui pourrait ne jamais s’interrompre. Le bleu, le jaune, le rouge répondent à Henri Matisse ou à Sonia Delaunay, et l’oeuvre s’attache à notre territoire, qui est aussi un peu le sien.

« The Nature of Thing »

Jessica Backhaus, une ancienne du lycée de Sophia Antipolis, a fait des études de photographie et de communication visuelle à Paris puis une carrière à New York. Elle a depuis poursuivi ses propres projets qui l’amènent à être considérée comme l’une des voix les plus éminentes de la photographie contemporaine. Avec sa liberté retrouvée, après la période Covid, elle a préparé la deuxième partie de cette exposition dans laquelle elle s’intéresse à la poésie cachée des objets à travers la série « The Nature of Thing ».
Citron dissimulé dans un feuillage, cactus exposé en plein soleil ou carrosserie recouverte de poussière, savon oublié sur une chaise... deviennent autre chose. Ces natures mortes ont pour la plupart été réalisées aux environs de Mougins. «  J’aime les objets, ils ont leur propre histoire, je n’ai rien d’intellectuel à ajouter, les œuvres sont là, c’est tout  ». On retrouve les mêmes couleurs saturées, les mêmes contrastes, ce manège de jeu d’ombres, de couleurs, et de vibrations. Cette série plus récente pose les mêmes énigmes à partir de la lumière crue du soleil de midi jetée sur la matière et nous raconte une autre histoire sur le réel. Son travail revient à nous dire que la couleur est une fabrication, une reconstitution du réel, une fiction… Elle apporte des réponses poétiques qui invitent à la contemplation et à la rêverie.
Marie LESIMPLE

Photo de Une : ©Marie Lesimple

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