Barreau de Nice : Pour

Barreau de Nice : Pour Adrien Verrier et Cécile Schwal, « le programme a été respecté »

Avant de passer le bâton à Emmanuel Brancaleoni et Valérie Serra, les Bâtonnier et Vice-Bâtonnier du Barreau de Nice reviennent sur leur mandat, marqué par l’international et les droits de l’Homme.

Quel bilan faites-vous de votre mandat 2022-2023 ?


- Adrien Verrier, Bâtonnier : Nous avions un programme très ambitieux que nous avions décidé de mener à bien. Au 31 décembre, on peut dire que le programme a été appliqué, respecté et ce grâce à l’appui de notre Conseil de l’Ordre et de notre personnel qui a été d’un dévouement sans faille. Bâtonnier, et Vice-Bâtonnier, c’est le plus beau mandat qui existe parce que cela nous a fait découvrir la notion d’intérêt général, de faire passer l’intérêt des confrères, l’intérêt de la profession, avant nos propres intérêts. Il y a également la notion de service public et la possibilité de pouvoir mener à bien, en peu de temps, des projets sans avoir les obstacles administratifs que d’autres mandats peuvent avoir.

-  Cécile Schwal, Vice-Bâtonnier : Nous avons beaucoup de commissions qui ne sont pas composées uniquement de membres du Conseil de l’Ordre et toutes nous ont été extrêmement utiles, comme la commission sports ou la commission structures. Il faut remercier tous les membres des commissions, qui font des rapports sur leur temps personnel. Seuls nous n’y serions pas arrivés. Ces commissions sont nécessaires et indispensables.

Pendant ces deux ans, vous avez mis l’accent sur l’ouverture à l’international

Cécile Schwal Vice-Bâtonnier et Adrien Verrier et Bâtonnier du Barreau de Nice ©S.G

- Adrien Verrier : Nous avons beaucoup travaillé pour adhérer, ou réadhérer, à différentes organisations internationales professionnelles, comme la Conférence internationale des Barreaux. Nous avons également intégré l’Observatoire international des avocats en danger (OIAD), nous avons adhéré à la Fédération des Barreaux d’Europe et dans ce cadre-là nous avons organisé les Assises de la Méditerranée, à Nice, consacrées au Tribunal médiatique. C’était un moment fort car nous avons échangé avec de nombreux bâtonniers du bassin méditerranéen. L’OIAD nous a permis de participer à des visites en tant qu’observateur international, notamment lors d’un procès qui s’est tenu à Izmir en Turquie et qui impliquait le Bâtonnier et son Conseil de l’Ordre, poursuivis pour avoir mis en cause un imam qui appelait à la lapidation des homosexuels. J’étais présent au procès et ils ont été relaxés. Autre moment fort international, dans le cadre des fonctions ‘pures’ de Bâtonnier : la visite en Tunisie de trois confrères incarcérés.

- Cécile Schwal : C’était une vraie volonté de notre part, nous voulions tous les deux que le Barreau de Nice existe au-delà du département et de la région. Nous voulions vraiment montrer que l’on ne faisait pas seulement des actions pour nos confrères localement mais que l’on pouvait défendre les droits fondamentaux à l’étranger. Pour nos confrères incarcérés, nous sommes les seuls avocats étrangers à être intervenus, ce qui signifie qu’il y a un besoin réel. En partenariat avec l’Université, je suis intervenue sur le Brésil. Il y a un réel besoin de développement de nos relations avec l’Amérique du Sud et c’est quelque chose que nous aimerions promouvoir dans nos mandats futurs au Conseil de l’Ordre. Ces échanges sont extrêmement intéressants car cela permet de confronter les évolutions des lois et des réglementations. L’idée serait de créer des liens, des partenariats, des jumelages.

- Adrien Verrier : Ce n’est pas forcément à ce jour dans l’ADN du Barreau niçois d’être trop ouvert sur l’international. De même que quand on s’intéresse aux droits de l’Homme, on nous dit souvent que ce n’est pas forcément l’ADN d’un barreau local de s’intéresser à cette question. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence du Conseil de l’Ordre - que je partage pleinement - est d’intervenir sur des sujets des droits de l’Homme internationaux à la condition que les intérêts de notre profession soient en jeu : des avocats, un barreau, la justice. Il n’est pas question d’intervenir sur des questions de géopolitique diverses. Pour l’Ukraine, nous nous sommes mobilisés en aidant le Barreau ukrainien. Tout comme nous avons aidé les Bâtonniers de Marrakech et de Ouarzazate après le tremblement de terre au Maroc.

Vous avez également défendu les droits de l’Homme localement.


- Adrien Verrier : Nous avons profité de la loi sur les lieux de privation de liberté pour réaliser des visites. Cette loi nous donne un certain nombre de prérogatives mais contrairement aux parlementaires, nous ne pouvons pas faire venir les médias et nous n’avons pas accès aux hôpitaux psychiatriques, ce qui est un vrai problème. On a commencé par la maison d’arrêt de Nice, puis il y a eu le centre de rétention des étrangers à la frontière à Auvare, le local de mise à l’abri à Menton et le service des écrous d’Auvare. À chaque visite, on fait un rapport et grâce à ce rapport, cela peut permettre de débloquer des crédits. Pour le commissariat d’Auvare, il en découle qu’une partie des travaux (imposés par le Tribunal administratif au ministre de l’Intérieur, NDLR) a été réalisée. En revanche, le ménage est toujours aussi catastrophique, le cahier d’entretien n’est pas tenu, des locaux n’ont pas été refaits, les kits d’hygiène sont distribués de façon très aléatoire…

- Cécile Schwal :
Ces visites ont permis de mettre en lumière certaines choses. Cette possibilité de visiter les lieux de privation de liberté a fait parler, la presse s’en est fait le relais et cela a permis des interventions donc nous voyons bien le bénéfice de la mesure.

Propos recueillis
par Sébastien GUINE

Temps fort : La retransmission du procès de l’attentat du 14 juillet 2016

Le Barreau a pleinement participé à la préparation et au bon déroulement de la retransmission au palais Acropolis du procès de l’attentat commis sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016 ©S.G

En lien avec la Ville et le Tribunal judiciaire de Nice, le Barreau a pleinement participé à la préparation et au bon déroulement de la retransmission au palais Acropolis du procès de l’attentat commis sur la Promenade des Anglais et qui s’est tenu à Paris de septembre à décembre 2022. « On voulait que le procès se passe à Nice mais pour des raisons de sécurité ils ont refusé. On a œuvré pour obtenir une retransmission à Acropolis. On a participé au choix des lieux », a rappelé Adrien Verrier. « Nous voulions que les victimes se sentent dans une enceinte judiciaire préservée. Les couleurs ont été choisies pour que ce ne soit pas agressif. Il y a eu un accompagnement. Avec l’aide de la mairie nous avons recruté des stagiaires pour l’accueil des victimes, pour les orienter. Il y avait des consultations juridiques gratuites organisées par le Barreau pour les victimes qui n’avaient pas d’avocat. C’était très bien organisé et nous avons le sentiment d’avoir joué notre rôle pour accompagner les victimes », a complété Cécile Schwal. Maître Verrier s’est rendu à Paris afin d’y « plaider pour la mémoire de Myriam Bellazouz », avocate du Barreau de Nice qui fait partie des 86 personnes tuées dans l’attaque terroriste. « C’était un moment fort car c’était l’une des nôtres qui a été fauchée  », a-t-il sobrement commenté. Il a ensuite confié réfléchir aux possibilités de retransmission pour le procès en appel qui se tiendra d’avril à juin 2024.
Le tandem Verrier-Schwal a maintenu les rencontres avec les chefs de juridiction du TJ de Nice, initiées pendant la crise sanitaire, et les a complétées de tables rondes, «  tous les trois mois, sur des sujets clivants, entre magistrats, avocats, greffiers et policiers ». « L’objectif est de lever les incompréhensions et les malentendus entre nos professions », a poursuivi Me Verrier. « La dernière fois, on l’a fait avec la police parce qu’il y avait eu des soucis au moment de l’intervention des avocats pendant des gardes à vue : des problèmes de prise en charge, de délais d’attente avant de faire les entretiens, avant les auditions... Il y a des choses qui avancent. C’est difficile, c’est long mais la volonté est là ».
Enfin, parmi toutes leurs initiative, impossible de ne pas mentionner l’arrivée du Barreau sur les réseaux sociaux, Facebook, LinkedIn et X (dont le compte a franchi la barre des 1 000 abonnés il y a quelques jours) et la création d’un prix littéraire Barreau de Nice. « On récompense un livre sur la justice. Cela peut être un roman, un essai, une bande-dessinée.En 2022, le prix est revenu à l’avocate pénaliste Marie Dosé, du Barreau de Paris, pour son essai « Eloge de la prescription ». Cette année le prix est revenu à la BD coscénarisée par la Dr Irène Frachon « Mediator, un crime chimiquement pur ». Un prix qui repose depuis deux ans sur l’investissement de la commission culture, présidée par Benjamin Taïeb. «  Ils arrivent à lire une quantité de livre en un temps record », a souligné Cécile Schwal.

Photo de Une ©S.G

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