Logement et transition

Logement et transition climatique : les points essentiels du rapport du Conseil supérieur du notariat

Le Conseil supérieur du notariat présente son nouveau rapport intitulé « Logement et transition climatique », une analyse juridique, économique, sociale et pratique des politiques publiques initiées en France visant à la réduction de la consommation énergétique globale des bâtiments. Il a été établi par son Institut d’Etudes Juridiques. Cette réflexion s’est enrichie des remontées de terrain des notaires de France au travers du Réseau Marianne qui fédère les 6800 offices de France fédérant plus de 8100 points d’accès aux services notariaux sur le territoire français.

Le rapport révèle les difficultés, les interrogations et les points de blocage rencontrés par les Français dans leurs activités quotidiennes et dans leurs projets immobiliers, face au développement des exigences réglementaires liées à la performance énergétique.

Les notaires de France proposent 10 solutions juridiques, techniques et financières pour simplifier et accélérer la transformation nécessaire du parc immobilier français, d’une manière efficace et acceptable par le corps social Ils soulignent également le besoin de simplicité et de lisibilité, face à l’impressionnante accumulation de normes depuis une dizaine d’années.

10 solutions en vue d’améliorer les dispositifs législatifs, réglementaires et financiers mis en place pour assurer la transition énergétique en matière de logement.

1 – Mettre fin aux délais transitoires de validité initialement prévus pour les DPE délivrés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 et ceux délivrés avant le 8 octobre 2021.
Afin de permettre aux acquéreurs de disposer d’une information plus viable au moment de leur acquisition immobilière, 84,2% des notaires estiment « qu’il est urgent de mettre fin à la période transitoire de la validité d’un DPE qui n’est plus en phase avec l’importance des enjeux ».
Les DPE établis avant le 8 octobre 2021, date d’entrée en vigueur de la dernière version de la méthode de calcul actuelle, ne devraient plus être utilisables.

2 – Généraliser le DPE collectif et renforcer ses effets.
Les notaires font le constat sur le terrain que peu de copropriétés ont initié la mise en œuvre de la démarche d’établissement d’un DPE collectif, pourtant effective depuis le 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots.
Pour que le DPE collectif puisse avoir l’impact opérationnel souhaité par le législateur, les notaires de France proposent de supprimer l’exigence d’un DPE individuel dans le cadre d’une vente d’un lot de copropriété et remplacer cette obligation par celle de faire établir un DPE collectif unique.

3 – Revoir les règles de majorité et de prise de décision au sein des copropriétés.
Les notaires de France proposent que les travaux de rénovation énergétique qui sont décidés aujourd’hui à la majorité des voix des copropriétaires soient considérés comme des « travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants », et décidés à la règle de la majorité simple des copropriétaires présents, ou représentés ou ayant voté par correspondance.
Pour financer ces travaux spécifiques, la décision de souscrire des emprunts, notamment un éco-PTZ copropriété, nécessite pour le moment l’unanimité des voix des copropriétaires. Elle devrait être soumise à la même majorité que celle ayant décidé les travaux et engager l’ensemble des copropriétaires plutôt que seuls les votants.

4 – Instaurer un nouveau « Contrat de Performance Energétique » (CPE)

Le Contrat de Performance Energétique est un contrat passé entre un maître d’ouvrage et un opérateur dans le but d’améliorer l’efficacité énergétique d’un bâtiment ou d’un ensemble de bâtiments avec des objectifs chiffrés. Appliqué à l’échelle de l’îlot ou du quartier il permet de diminuer et étaler les coûts dans le temps, d’accéder à des techniques trop onéreuses à l’échelle d’une copropriété, d’assurer la compétence technique de l’opérateur…
Afin d’encourager l’utilisation de ce type de contrat, les notaires de France proposent d’améliorer celui-ci en :
- Permettant à toute personne publique ou parapublique compétente en matière d’aménagement et d’habitat de conclure un CPE avec un tiers financement pour le compte d’autres personnes publiques ou privées.
- En prévoyant un vote à la majorité des copropriétaires pour adhérer au processus
- En favorisant le développement des rénovations globales, en consacrant parmi les travaux le remplacement et la suppression des systèmes individuels de chauffage au gaz.

5 – Adapter le droit de fiducie pour permettre le recours à cette technique contractuelle en vue de la rénovation énergétique des logements.
Les notaires proposent pour les personnes morales telles que les SCI, d’encourager le développement de contrat de fiducie qui aurait pour objet l’exécution de travaux de rénovation énergétique globale sur un immeuble, comprenant un ou plusieurs logements, que le constituant ne serait pas en mesure de financer. Celles-ci pouvant disposer de patrimoines immobiliers importants sans pour autant disposer des ressources nécessaires pour procéder aux travaux. Cette disposition pourrait constituer un levier de croissance important.
Cette technique pourrait être proposée aux personnes physiques, à la condition de supprimer la règle relative à l’extinction du contrat au décès du constituant.

6 – Automatiser la dérogation aux règles de prospect, lors de la réalisation d’une isolation par l’extérieur, en façade ou en toiture

Il est proposé d’améliorer la rédaction de l’article L 152-5 du Code de l’urbanisme qui permet à l’autorité administrative de déroger au PLU et de l’étendre aux règlements de lotissement et aux documents organiques des zones d’aménagement concerté relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions (rédaction complète p 57).

7 – Définir une méthode de calcul spécifique pour les bâtiments construits avant 1948 et pour les logements de petite surface.
Pour les logements anciens, la méthode de calcul actuelle du DPE apparaît inadaptée selon les acteurs de la rénovation du patrimoine et les architectes du patrimoine. Par ailleurs, l’audit énergétique est particulièrement visé dans les témoignages des notaires « ne fournit pas une information utile […] fait doublon avec le DPE […] les acquéreurs se sont renseignés et informés en amont, ont des devis et savent quoi faire […] ». Une adaptation aux méthodes et aux matériaux utilisés lors de l’édification de ce type de construction doit donc être envisagée, notamment pour définir les pistes d’amélioration de la performance énergétique.
Pour les petites surfaces, la méthode de calcul basée sur la consommation d’eau et sur le ratio « surface déperditive/surface habitable » conduit à dégrader systématiquement la note des petites surfaces. Ce point semble avoir été entendu par les pouvoirs publics.

8 – Améliorer le dispositif Prêt Avance Rénovation (PAR)
Si le dispositif semble intéressant pour les personnes concernées, il n’en demeure pas moins que le coût de la mise en place de la garantie de ce prêt (hypothèque conventionnelle portant sur l’immeuble objet des travaux de rénovation) demeure élevé. Il est proposé de supprimer la taxe afférente de 0,715 %, à l’instar de ce qui est déjà prévu en matière de prêt à taux zéro (PTZ) ou de prêt à l’accession sociale (PAS). Par ailleurs, aujourd’hui ce produit est seulement proposé par trois établissements de crédit.

9 - Prévoir l’éligibilité à MaPrimeRénov’ ou à toute subvention travaux au profit du locataire lorsqu’il fait usage de l’article 2 du décret n° 2022-1026 du 20 juillet 2022
Puisque la loi organise la possibilité, pour le locataire habitant un logement énergivore, de réaliser les travaux de rénovation nécessaires, il semble pertinent de transposer le bénéfice des aides publiques du propriétaire au locataire qui satisfait toutes les autres conditions d’octroi de celles-ci (revenus, qualité des travaux, etc.).
Pour ce cas très particulier du locataire investissant dans le bien qu’il occupe, sans espoir autre, en termes de retour sur investissement, qu’une économie d’énergie, il convient d’accorder une incitation fiscale à la réalisation des travaux en permettant au locataire de réduire son impôt, de la partie des travaux qu’il aura effectivement financés pour le bien d’autrui. Faute de sollicitation fiscale, ces dispositions du décret n° 2022-1026 du 20 juillet 2022 risquent en effet de demeurer lettre morte.

10 – Rendre optionnel le doublement du déficit foncier en cas de travaux de rénovation énergétique par le bailleur.

La durée de retour sur investissement des travaux de rénovation énergétique globale performante, généralement comprise entre 11 et 12 ans. Elle constitue l’un des freins à la décision d’entreprendre les opérations nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique d’un logement. Dans de telles conditions, l’exigence de rénovation imposée à certains bailleurs, compte tenu du classement énergétique de leur bien, risque de se solder par la sortie de ce bien du marché locatif et d’accentuer la crise du logement.
Afin d’inciter les bailleurs à rénover les immeubles énergivores, la limite d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global est, à titre temporaire et sous certaines conditions, relevée de 10 700 à 21 400 € par an, à concurrence du montant des dépenses déductibles de travaux de rénovation énergétique permettant à un bien de sortir du statut de « passoire thermique ».
Si l’intention est louable, cette mesure risque toutefois de se révéler contre-productive, car elle se heurte potentiellement à une difficulté technique : le doublement du seuil n’est en effet pas optionnel et ne permettra pas aux contribuables de choisir la formule la plus avantageuse entre l’imputation sur le revenu global et l’imputation sur les revenus fonciers ultérieurs (avec économie sur les prélèvements sociaux). Il est donc proposé de laisser au contribuable, en pareille situation, le choix entre le doublement du déficit foncier et l’imputation sur les revenus fonciers ultérieurs.

Le rapport dans son intégralité ainsi que le descriptif détaillé des solutions proposées est disponible en cliquant sur l’image ci-dessous

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