TJ de Grasse et Nice (...)

TJ de Grasse et Nice : Innover pour permettre à la justice de fonctionner

Les chefs de juridiction des deux tribunaux judiciaires du département se démènent pour innover et tenter de dépasser un manque de moyens toujours très pénalisant.


Emmanuelle Perreux (au centre) ©S.G

Emmanuelle Perreux, présidente du TJ de Grasse, a parlé «  de petit miracle » à l’heure de dresser le bilan de 2023 lors de l’audience solennelle de rentrée du 2 février : âge moyen du stock des affaires civiles et durée moyenne d’écoulement des affaires en baisse.
Elle a mis en avant la mobilisation et le dévouement de toutes les équipes ainsi que la volonté de sa juridiction de « s’inscrire dans le mouvement et l’innovation  ».
Elle a pour cela donné quatre exemples d’action. Elle a cité en premier lieu la procédure pénale numérique (PPN), mise en place avec succès à Grasse et qui a propulsé le TJ en tant que site pilote pour l’extension du programme (phase post-sentencielle et relations avec la maison d’arrêt). Le deuxième exemple est le rappel de convocation par SMS, permettant « de toucher un public souvent désinséré et qui n’a pas toujours accès au courrier traditionnel  ». Mme Perreux a ensuite évoqué la demande d’aide juridictionnelle en ligne «  qui permet d’accélérer l’instruction des dossiers » et qui représente déjà près de 20 % des demandes.


Mighty, la chienne d’assistance judiciaire fait l’unanimité au palais de justice de Grasse ©TJ de Grasse

La présidente a terminé son illustration avec Mighty, la chienne d’assistance judiciaire, accueillie depuis plusieurs mois. «  On a beaucoup glosé sur cette expérience grassoise  » mais « plus personne ne songe à rire de cette expérience » aujourd’hui, a relevé la présidente alors que «  de nombreux justiciables ont bénéficié (du soutien de la chienne) et notamment des enfants et des femmes victimes de violences intrafamiliales. La médiation canine est précieuse pour désamorcer le trop plein d’émotions qui émerge dans une audience toujours difficile à vivre  », a-t-elle assuré.

Damien Savarzeix ©S.G

De son côté, le procureur Damien Savarzeix a présenté le dispositif d’accompagnement individualisé renforcé (AIR), porté par l’association ALC (Agir pour le Lien social et la Citoyenneté) et lancé le 29 décembre 2023 avec le soutien des élus, de l’ARS, de l’administration pénitentiaire et de la préfecture, dans le but de prévenir la récidive. «  Il s’agit d’un accompagnement modulable et intensif, sur six mois à un an, qui appréhende et traite de manière globale toutes les problématiques, aussi bien personnelles que sociales ou médico-sociales (l’addiction notamment) présentées par le délinquant et qui sont à la racine du passage à l’acte », a détaillé M. Savarzeix. Le procureur a insisté sur le fait que ce dispositif « doit énormément à la qualité du travail partenarial qui unit justice et territoires dans notre ressort ».

« Circuit court »

Damien Martinelli ©S.G

Si le TJ de Grasse se montre très actif, celui de Nice n’est pas en reste. «  À nous d’innover, à nous de faire mieux », a lancé le procureur Damien Martinelli au cours de l’audience solennelle de rentrée le 2 février. «  Dans le cadre du financement de la prise en charge du traitement des violences intrafamiliales, nous essayons d’innover et de conjuguer les objectifs en nous appuyant sur la contribution citoyenne mise en place en juillet 2023 », a notamment indiqué le successeur de Xavier Bonhomme. « Ainsi, depuis décembre dernier, les non-dépôts des comptes sociaux des entreprises, formalité obligatoire, donnent lieu à des classements sous condition de versement d’une contribution citoyenne au profit de l’association Montjoye : 10 000 euros versés en un peu plus d’un mois. C’est un circuit court dans lequel on sanctionne tout en permettant de dégager des fonds pour par exemple proposer des hébergements à des victimes », a expliqué M. Martinelli, avant de souligner que ce dispositif était «  une illustration du dynamisme et de la qualité des échanges avec le tribunal de commerce ».
Il a, au passage, souhaité tous ses vœux de réussite au nouveau président du TC de Nice, Thierry Séon, ajoutant qu’il n’avait «  aucun doute sur la continuité de (leurs) objectifs communs de défense d’une activité économique saine et de protection des acteurs économiques qui ne trichent pas ».

À la recherche du temps perdu

Pascale Dorion ©S.G

Toujours en quête du meilleur fonctionnement possible, pour les justiciables comme pour les professionnels de la justice, les chefs de juridiction font de la gestion du temps une priorité en cette nouvelle année. «  Pour 2024, s’agissant de la justice pénale, la juridiction s’est engagée dans un profond travail d’optimisation du temps de jugement, et notamment de celui de l’audiencement des affaires devant le tribunal correctionnel  », a confié la présidente du TJ de Nice, Pascale Dorion. «  Il s’agit, de manière très opérationnelle, de mieux préparer pour juger plus efficacement. C’est un travail de longue haleine, qui n’est pas à la seule main de la juridiction mais nécessite un partenariat étroit avec les auxiliaires de justice et en particulier les avocats », a-t-elle ajouté.
«  La gestion du temps doit être au cœur de nos préoccupations et nous aurons l’occasion de vous présenter les enjeux liés à la gestion du temps pénal dans le cadre du conseil de juridiction qui interviendra dans les semaines à venir, conseil qui ne s’est plus réuni depuis 2021 », a complété le procureur de Nice, Damien Martinelli. La réflexion est partagée à Grasse avec l’organisation le 21 mars d’un colloque commun, dans le cadre de la recommandation du conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats, intitulé «  Gestion de temps et perte de temps ». « Cette thématique volontairement provocatrice nous permettra (…) de dresser des constats partagés et de proposer des conduites à tenir communes pour améliorer encore le temps de traitement des affaires », a souligné la présidente du TJ Emmanuelle Perreux.

Un besoin de renforts toujours criant

Pascale Dorion ne souhaitait pas que l’audience solennelle de rentrée soit « un lieu où exposer nos faiblesses, nos doutes et nos difficultés » mais la présidente n’a pas pu ne pas évoquer les difficultés connues par le greffe au tribunal judiciaire de Nice en 2023. Des difficultés qui devraient se poursuivre en 2024. « Au vu des différentes mobilités, nous pouvons projeter que mi-avril 2024, 22 postes seront vacants dans les services de greffe, soit 3 postes de directeurs de greffe, 7 postes de greffiers et 12 postes d’adjoints administratifs et techniques  », a estimé Mme Dorion. Cette situation, très mal vécue par des greffiers submergés, « conduit à dégrader parfois le service public et c’est ainsi, par exemple, qu’en 2023, nous avons été amenés à supprimer des audiences sur intérêts civils (…) faute de greffier (…). L’arrivée des renforts prévus est donc absolument indispensable pour maintenir un service de qualité  », a assuré la présidente du TJ de Nice.

À Grasse, le procureur Damien Savarzeix a reconnu également que la situation du greffe était «  très dégradée » mais qu’elle avait «  enfin connu un début de normalisation en fin d’année 2023  ». Il a ajouté être « dans l’attente de ces magistrats et attachés de justice annoncés  », alors qu’il manque trois magistrats au siège et deux au parquet. «  Ce serait une première bouffée d’oxygène, désormais indispensable », a-t-il affirmé. « Quelle que soit notre volonté d’agir, seule l’arrivée de renforts nous permettra d’être à la hauteur de nos ambitions  », a assuré la présidente du tribunal Emmanuelle Perreux. «  Pour Grasse, la déclinaison (du plan de recrutement annoncé par le garde des Sceaux) conduira à la création de quatre emplois de magistrats du siège, de deux emplois de magistrat du parquet, de cinq emplois de juristes assistants et de cinq greffiers. C’est loin de nos espérances mais c’est un renfort bienvenu qui nous permettra de redistribuer la charge de travail. Ainsi le tribunal pour enfants, le service de l’instruction, le pôle de la famille et le service correctionnel pourront être renforcés. Nous ne savons pas à ce stade quand ces renforts arriveront mais cette bouffée d’oxygène tant espérée permet à ceux qui l’attendent de tenir en se projetant dans un avenir plus serein ».

Photo de Une : A Nice comme à Grasse : des tribunaux innovants - (Photo de l’audience de rentrée du TJ de Nice) ©S.G

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