Le désert est aux portes..

Le désert est aux portes... des grandes métropoles

Rassurez-vous, je ne vais quand même pas vous infliger un récit de mes vacances, comme jadis on se livrait en fin de repas à l’inévitable et
pénible séance de projection de diapositives. Mais quand même, je voudrais vous dire à quel point j’ai été marqué cet été en traversant en voiture notre beau pays, par cette France à deux vitesses qui s’installe chaque jour un peu plus sous nos yeux.

D’un côté, au chant des cigales et sous le soleil de la croissance, on sent le bouillonnement des grandes villes et des métropoles. Elles ne cessent de se développer, de s’équiper, de s’étendre en grignotant sur les espaces agricoles qui les entourent. Ces cités qui repoussent leurs murs enlaidissent aussi à merveille leur entrées par des zones commerciales, indispensables mais hideuses, avec leurs façades en tôles peintes de couleurs criardes.
Dans leurs cœurs de ville, le promeneur défile dans des rues commerçantes (pour combien de temps encore ?) devant les mêmes enseignes et mêmes franchises que partout dans le monde. Avec une sur-représentation d’agences bancaires et immobilières, d’assurances, de boutiques de téléphonie et, allez savoir pourquoi, d’optique et de coiffure.
Finalement, la rue Moyenne de Bourges ressemble à s’y méprendre à Merchant Street de Glasgow, et la rue de la Liberté à Dijon à l’avenue de la porte de l’ange de Barcelone, et l’on pourrait multiplier les exemples de cette pénible uniformisation...
Malheureusement pour ces agglomérations de notre modernité contemporaine, les cinémas ont été repoussés en périphérie, sur des parkings macadamisés. Les temples du rêve et de la distraction sont devenus de grandes boîtes en ferraille entourées de fast-food. Cette migration en "banlieue" enlève encore de l’animation et de l’attractivité aux centres-villes, devenus déserts la nuit, placés sous la surveillance de l’œil électronique des caméras plutôt que sous la présence rassurante et conviviale des spectateurs qui vont prendre un pot avant la projection ou après avoir dîné au resto du coin.

Entre ces agglomérations qui attirent la lumière, il y a le ciel bas et lourd comme un couvercle qui recouvre nos campagnes. Elles continuent à se vider dramatiquement de leurs habitants. On traverse ainsi des dizaines de bourgs désertés, aux façades barrées de panneaux "à vendre". Les politiques d’aménagement du territoire menées depuis des décennies n’arrivent toujours pas à inverser cette funeste tendance. Éloignés de la réalité de la ruralité, des néo-ruraux s’en vont régulièrement déposer plainte à la gendarmerie du coin pour des coqs qui chantent trop fort, des cloches qui les réveillent, des canards qui ont l’audace de faire trop de bruit avant d’être transformés en magrets...

C’est dans cette France qui s’enlise que les gilets jaunes ont poussé comme jonquilles au printemps. Prenons garde : si la lassitude et la canicule leur ont fait déserter les carrefours, pour autant ils ont bien pris racine à en juger par le nombre de radars pulvérisés et celui des panneaux 80 recouverts de peinture ou de sacs en plastiques. Une colère sourde et profonde couve toujours à petit feu. La moindre escarbille pourrait rallumer l’incendie. Allez, bonne rentrée !

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