Le maintien de l'ordre

Le maintien de l’ordre et les limites du "scrogneugneu"

Après les boulettes aux effets médiatiques désastreux du ministre de l’Intérieur en boîte de nuit et du week-end présidentiel sur les pistes de ski alors que les Champs Élysées étaient en feu, la tactique "scrogneugneu" du nouveau préfet de police a porté ses fruits à Paris. Le 19ème épisode des gilets jaunes n’a pas été marqué par les exactions devenues "routinières" depuis quatre mois et l’on ne peut que s’en réjouir.
Après ce succès - mine soulagée de Castaner samedi soir expliquant que ses consignes ayant enfin été suivies on n’a pas vu ce qu’on redoutait de voir... - l’exécutif retrouve de l’air. Un peu, seulement, parce que sur le fond rien n’est évidemment réglé.
Ce sont de "vrais" manifestants, et non pas des casseurs, qui ont battu le pavé le week- end dernier. Une foule fluo composée de toutes les tranches d’âge, jeunes en espoir d’avenir, retraités à la recherche d’une pension capable de leur assurer une vie plutôt qu’une survie, chômeurs et petits salaires.
À l’évidence, la rue n’a pas fini de s’exprimer et ses attentes sont aussi nombreuses et disparates qu’impatientes. Ce sera l’enjeu des conclusions du Grand Débat.

Mais le ciel est encore chargé. Le Sénat, pourtant présenté comme inutile et dispendieux par certains, joue son rôle en posant des questions qui fâchent sur les conditions du maintien de l’ordre et sur ce pauvre Monsieur Benalla à la mémoire vacillante. Cela gratouille tellement que le Premier ministre a boudé la semaine dernière la séance des questions au gouvernement pour dénoncer une attitude trop "politique" des parlementaires du Luxembourg... En voilà un crime de lèse-majesté ! Dans une démocratie, interroger, réclamer des réponses précises, dénoncer des dysfonctionnements supposément graves et renvoyer devant les tribunaux des personnes qui auraient menti sous serment serait donc incongru, inamical, impossible ?
C’est pour son côté dérangeant que le général de Gaulle traitait le Sénat de "machin". Mais il avait quand même conservé ce contre-pouvoir aux côtés de l’Assemblée pour garantir un fonctionnement pluraliste de nos institutions...
À la lumière des faits récents, ceux qui veulent supprimer cette chambre, ainsi que limiter le nombre des élus nationaux, devraient s’interroger à deux fois sur la pertinence d’une telle proposition à forts relents populistes, pour ne pas dire anti parlementaristes...

Un dernier mot, enfin, sur le maintien de l’ordre à Nice. Il a laissé sur le carreau de la place Garibaldi une dame de 73 ans qui manifestait avec des gilets jaunes. Vociférants, certes, mais pacifiques. Fallait-il que les forces de l’ordre chargent aussi brusquement que s’il s’était agi de casseurs ? Qu’il nous soit permis d’en douter, même si "réglementairement" il n’y a rien à ajouter (arrêté préfectoral interdisant le périmètre, sommations, etc...).
La technique "scrogneugneu" a aussi ses limites, contrairement aux commentaires peu flatteurs dans les médias autour de ce qui est désormais devenu une "affaire" avec l’ouverture d’une enquête judiciaire. Elle devrait conduire tout le monde, y compris ceux qui donnent les ordres, "à une forme de sagesse"...

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