Serons-nous mieux affranc

Serons-nous mieux affranchis après avoir lu la lettre du président ?

"Je suis votre président, je vous écris cette lettre, que vous lirez peut-être...".
Dans la chanson de Boris Vian, "peut-être", c’était pour la rime. Avec Emmanuel Macron, espérons que cela permette à tout le monde de retrouver la raison.
Car tout est dans le "peut-être".
"Peut-être" que les Français feront l’effort de l’étudier, de répondre aux questions posées qui sont tellement ouvertes que l’on se demande bien comment on pourra en résumer la substantifique moelle.
Ou "peut-être" qu’ils ne liront pas, subodorant à tort ou à raison une manipulation du pouvoir, parce qu’ils auraient voulu répondre à d’autres questions évacuées par la missive présidentielle. Comme l’ISF, par exemple, toujours la pierre angulaire des revendications des gilets jaunes. Ou le Référendum d’Initiative Citoyenne, désormais connu sous l’acronyme RIC, visible sur les panneaux brandis dans les défilés.
Comme François Mitterand avant lui et son célèbre "ni, ni" de 1988, Emmanuel Macron a donc choisi le mode épistolaire pour s’adresser aux Français. Ce qui a le mérite d’encadrer le débat, mais aussi d’éjecter les sujets qui fâchent.
Plusieurs écueils dans cette démarche. D’abord, que ce grand débat se retrouve dès le départ en partie hors-jeu des attentes "populaires". Ensuite, qu’une large partie de l’opinion ne prenne pas la peine de retourner le questionnaire à l’expéditeur. Enfin, le flou entourant encore son organisation. Avec des maires de bonne volonté qui vont effectivement organiser des séances "cahiers de doléances", tandis que d’autres choisiront de rester les bras croisés, pas mécontents de renvoyer la monnaie de sa pièce à un exécutif qui ne leur a guère manifesté d’estime.

Quelles que soient les arrières-pensées des uns et des autres, il faut pourtant que ce débat ait lieu, qu’il serve de catharsis, qu’il dessine des pistes où l’on pourra se retrouver pour cheminer ensemble vers l’avenir.
Autrement, le péril est grand pour la République, pour la démocratie, pour le "vivre ensemble", malmenés ces neuf dernières semaines, entre émeutes de rues et pillages.

Il ne faut plus qu’un boxeur ait les coups de poing plus rapides que sa pensée. Que les "black blocs" et casseurs confisquent une colère légitime par des exactions. Que des individus se cachent le visage sous des
capuches et des masques pour incendier et piller. L’opinion, à raison, ne supporte pas ces dérapages incontrôlés.
Les institutions de la Vème tiennent le choc depuis le début de cette crise dont on ne voit pas encore grande ouverte la porte de sortie.

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