Assurance-vie : l'apaiseme

Assurance-vie : l’apaisement ?

Après avoir délaissé l’assurance-vie depuis le début de l’année, l’épargnant français vient de renouer avec elle. La collecte nette a, enfin, été positive le mois dernier. Un comportement qui devrait encourager le législateur à ne pas aggraver la fiscalité du secteur. Et les assureurs à sécuriser leurs performances.

Les assureurs-vie poussent un soupir de soulagement : leur collecte nette a été positive en octobre, même si le bilan reste négatif sur les neuf premiers mois de l’année (-5,2 milliards d’euros). Le contexte les prédisposait pourtant au pessimisme : avec l’accroissement des plafonds légaux sur l’épargne réglementée, et défiscalisée, il était à craindre de nouvelles ponctions dans le stock de capitaux qu’ils gèrent à ce titre (1389 milliards d’euros à la fin octobre, le premier poste de l’épargne financière des Français). Si les livrets A et autres LDD (Livret de développement durable) ont bien enregistré de nouveaux versements, amenant l’encours à son plus haut niveau historique, ce sont surtout les comptes-courants et les livrets fiscalisés qui ont alimenté le flux. La taxation désormais applicable aux intérêts en est évidemment responsable. Mais le Français n’a pas seulement opéré quelques arbitrages ; il a globalement accru l’enveloppe de ses économies. Son taux d’épargne atteignait 16,8% de ses revenus à la fin octobre, témoignant d’un réflexe pavlovien bien connu : la réaction à la crainte de lendemains difficiles, et à la certitude d’un alourdissement de sa charge fiscale. De ce fait, il n’est pas douteux que les économistes vont suivre à la loupe le comportement des ménages, dans leurs achats préparatoires aux fêtes de fin d’année. Les premiers sondages laissent accroire que le consommateur résistera à la fièvre dépensière, caractéristique de la période de Noël, mais rien ne laisse supposer qu’il soit décidé à consentir de véritables sacrifices. L’activité commerciale pourrait ainsi enregistrer une heureuse surprise : les psychanalystes connaissent bien les vertus apaisantes de l’achat compulsif. Mais si tel devait être le cas, l’euphorie promet d’être de courte durée. Les lois de l’arithmétique budgétaire s’imposent aux ménages, plus sévèrement encore qu’aux collectivités publiques : quand leurs ressources disponibles se réduisent, leurs dépenses diminuent.

Erosion du rendement

On saura donc bientôt quelle part de leur cagnotte nos concitoyens ont accepté de consacrer aux festivités traditionnelles. Et eux-mêmes sauront aussi à quel taux seront rémunérés leurs contrats d’assurance-vie. A ce jour, seule la compagnie AXA a annoncé le rendement attribuable à son fonds en euros : 2,90% (nets de frais de gestion, mais avant prélèvements sociaux) contre 3% sur l’exercice précédent, où la moyenne des attributions a été un peu supérieure à ce taux, avec une dispersion assez forte (entre 1,90% et 4,05%). Les observateurs estiment que le premier assureur français exprime la tendance des participations bénéficiaires de 2012, marquée par un léger fléchissement. Mais ils prévoient également que les écarts demeureront élevés entre les divers fonds. De multiples facteurs entrent en effet en ligne de compte. La composition du portefeuille, en premier lieu. Avec notamment la prise en compte des moins-values latentes, qui nécessite la constitution de provisions pour risque d’exigibilité (PRE). Sur l’exercice dernier, ces PRE ont représenté la contrevaleur de 0,17% de rendement. Si les marchés se maintiennent dans l’orbe de leurs niveaux actuels jusqu’à la fin de l’année, les assureurs pourront prélever une partie de ces provisions pour améliorer la participation aux bénéfices. L’autre réserve de régulation de résultats est la provision pour participation aux excédents (PPE). Une cagnotte qui est abondée les années fastes et ponctionnée en cas de vaches maigres. Comme l’année dernière, où le chahut sur le marché des obligations d’Etat (notamment la Grèce, bien entendu) a nécessité de prélever sur la PPE l’équivalent moyen de… 0,65% de rendement. Selon les analystes du secteur, les provisions résiduelles représenteraient environ 1,15% de rendement à la fin 2011. Mais au vu de l’enlisement de la situation grecque, il est permis de penser que les provisions passées sont encore insuffisantes. Car le papier athénien se négocie aujourd’hui au quart, environ, de sa valeur nominale, ce que l’on peut considérer comme une décote raisonnable et sans doute durable. On ne sait s’il est possible d’obtenir un état détaillé du portefeuille représentatif des fonds « en euros » des assureurs et du montant des diverses provisions passées. Si tel est le cas, chaque assuré serait bien inspiré d’en demander copie, car il est certain que les situations sont très contrastées. Quand tous les résultats 2012 seront publiés, il sera toutefois plus aisé de se faire une idée de la vulnérabilité des divers fonds face au risque d’aggravation de la conjoncture.

Dans sa chasse aux nouvelles ressources, le législateur a évidemment été tenté de ponctionner dans le gisement considérable des fonds de l’assurance-vie. Qui bénéficient, il est vrai, d’un statut fiscal très favorable. Mais dans le contexte présent, une telle initiative pourrait causer des dommages collatéraux systémiques. Le comportement des assurés, depuis le début de l’année, en témoigne : ils ont procédé à des rachats nets, sous la crainte d’un alourdissement de la fiscalité et de la mauvaise santé financière supposée des compagnies. Désormais en voie d’apaisement, ils reprennent leurs versements. Si ces contrats devaient subir un surcroît de taxation, il est extrêmement probable qu’un courant de rachats massifs se déclencherait, au profit de l’épargne réglementée. Dont le rendement net serait alors supérieur, avec des plafonds fortement augmentés. Pour faire face aux décaissements, les assureurs deviendraient vendeurs nets d’emprunts d’Etat, au lieu des souscripteurs providentiels qu’ils sont aujourd’hui. Entraînant la hausse des taux sur le marché et donc la dépréciation de leurs portefeuilles. Une spirale infernale qui justifie le statu quo.

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