L'UE à petits pas

L’UE à petits pas

Le dernier Conseil européen a principalement entériné les dispositifs déjà dans les tuyaux. Le dossier de l’union bancaire n’a guère progressé, la position de l’Allemagne demeurant inflexible. Mais celui du sauvetage des banques en péril a fait un pas. Un tout petit pas. Vers de probables nouvelles empoignades.

On s’est beaucoup activé à Bruxelles, la semaine dernière. Une sorte de grand ménage d’équinoxe, faute d’avoir achevé à temps le nettoyage de printemps. Ainsi l’Union avait-elle secoué les tapis avant d’accueillir son 28ème membre, la Croatie, avec la pompe de circonstance. Le premier chantier concernait le budget européen (2014-2020), que le Parlement avait refusé d’adopter, en février dernier. Le Président de la Commission, pourtant affaibli par une salve d’exocets (notamment français), parvenait à un compromis avec les deux principales composantes parlementaires : non que le budget soit accru (il est en recul par rapport au précédent, austérité oblige), mais il permet désormais la capillarité entre chapitres, autorisant ainsi une certaine flexibilité dans l’utilisation des fonds non consommés par les programmes auxquels ils étaient originellement affectés. En outre, il a été convenu d’abonder certaines dotations, comme celles du soutien aux PME et au programme Erasmus destiné aux apprentis, ainsi que celle de l’aide aux plus démunis (1 milliard supplémentaire pour l’aide alimentaire). Ainsi amendé, le budget est apparu comme « acceptable » aux yeux des deux factions majoritaires, bien que constituant un « compromis lamentable » pour le Président des Verts. Mais au moins a-t-on garanti qu’il pourra être enfin adopté en septembre, tout imparfait qu’il soit pour chacune des parties : telle est la loi immémoriale du compromis, lequel devenait d’autant plus urgent que les élections européennes avancent à grand pas. Et qu’il est inutile d’offrir de justes motifs d’abstention aux électeurs, déjà massivement tentés par la pêche à la ligne lors de ces échéances…

Compromis à minima

Une autre question d’importance a été également tranchée avant l’ouverture de la session du Conseil européen : les procédures communes au traitement des crises bancaires. Ou dans une formulation plus crue : qui paie quoi en cas de faillite bancaire ? Une semaine plus tôt, les ministres concernés s’étaient mis d’accord sur un ordre protocolaire des contributeurs au désastre : les actionnaires d’abord, les créanciers ensuite, les déposants enfin – pour la fraction de leurs actifs excédant 100 000 euros, bien entendu (les dépôts inférieurs bénéficiant d’une garantie gouvernementale). Mais demeuraient de profondes divergences quant à la flexibilité - encore elle - du processus, France et Grande-Bretagne plaidant pour l’introduction d’exceptions venant anesthésier la règle. Les pays du Nord (Allemagne et Pays-Bas, notamment) étant au contraire favorables à un dispositif aux règles strictes, qui garantisse une vision claire de leurs risques aux déposants et aux investisseurs. Finalement, la flexibilité en question a été étalonnée : le passif d’une banque décavée sera en premier lieu à la charge des actionnaires et des créanciers, à hauteur d’un « minimum » de 8% ; ensuite pourra intervenir un fonds national « de résolution » (supposé être financé par les banques elles-mêmes) et, en cas de besoin, des ressources nationales ou européennes, avec possibilité de recourir au MES (le fonds de secours de la zone euro, en cours de gestation), encore que cette dernière possibilité ne figure pas dans le communiqué final. Ce qui n’est probablement pas un oubli par étourderie. Ce deuxième étage de contribution ne pourra toutefois excéder 5% du passif. Restent donc, sauf erreur, 87% du passif à couvrir. Sous réserve que l’on ait bien compris, voilà qui rend probable l’intervention directe du contribuable (ce que le dispositif vise à éviter), et certaine la contribution significative des déposants… Voilà donc l’esprit des « avancées », présentées comme remarquables par les Etats, qui pourraient donner lieu au vote d’un texte d’ici à la fin de l’année, lequel serait applicable dès… 2018. Il concernera donc les crises bancaires du futur, et pas celle qui mitonne en ce moment, si l’on en croit les informations inquiétantes circulant sur les besoins en fonds propres des établissements, et sur les moins-values pharaoniques (non provisionnées) qui affligeraient leurs actifs.

Le Conseil a ainsi pu siéger avec l’assurance que des problèmes jusqu’alors insolubles étaient en voie de résolution. Encore que les participants aient échappé de justesse au pugilat, après que le Premier ministre Cameron, qui ne rate jamais l’occasion d’exaspérer ses frères en Europe, a prétendu faire acter la pérennité du fameux et controversé « rabais britannique », toujours âprement contesté par les Français, et dont la suppression coûterait plus de 350 millions d’euros au gouvernement de Sa Gracieuse Majesté. Point n’a été besoin, heureusement, de mobiliser lacrymogènes et lances à incendie. Le calme ayant été rétabli, les participants se sont accordés pour distraire du budget une allocation spéciale au combat contre le fléau européen : le chômage. Lequel concerne à ce jour 27 millions de citoyens dans l’Union. Une enveloppe de 6 milliards d’euros sera donc consacrée à ce dossier, sur les deux années à venir. Auxquels pourraient s’ajouter 2 milliards supplémentaires, à prélever sur les fonds éventuellement inutilisés. Un montant considéré comme « des clopinettes » par les commentateurs des pays les plus touchés par le sous-emploi, ces derniers étant pourtant désignés comme les principaux allocataires des subventions, ciblées sur les jeunes chômeurs. Les participants au Conseil ont choisi de se montrer satisfaits d’une telle décision, histoire de profiter au plus tôt d’un week-end de repos bien mérité. Une voix discordante, celle de dame Merkel, privée de vacances pour cause de campagne législative : « Le plus important est d’améliorer notre compétitivité, pas de créer toujours de nouvelles enveloppes financières ». Une vraie rabat-joie, cette Angela.

deconnecte