Prélèvement à la source :

Prélèvement à la source : ce qu’il faut absolument savoir

Les grands traits de la réforme présentés par Maître Jean-Pascal Parant, du Barreau de Nice


Après quelques hésitations, le prélèvement à la source entrera en vigueur au 1er janvier 2019. Comme chez nos voisins européens, il fera coïncider le paiement de l’impôt sur la perception du revenu correspondant.
Le calcul de l’impôt (quotient familial) et les obligations déclaratives ne changeront pas (déclaration annuelle et avis d’impôt).
Tous les revenus y seront soumis, à l’exception des plus-values immobilières et mobilières, des revenus de capitaux mobiliers, des revenus versés vers l’étranger à des non-résidents ou perçus de l’étranger par des résidents français.
Le prélèvement s’appliquera mensuellement avec la possibilité, pour les revenus autres que les salaires, pensions et rentes viagères à titre gratuit, de verser des acomptes trimestriels.
Divers taux seront proposés : droit commun (nul si contribuable non imposé), neutre (complément à verser), individualisé (imposition commune). Des modulations seront, sous conditions, possibles.
Le taux sera calculé sur les revenus du contribuable (le cas échéant, avant abattement pour frais), sans tenir compte des crédits et réductions d’impôt, ce qui aboutira à un taux de prélèvement supérieur au taux moyen d’imposition constaté.
Pour compenser cette baisse de trésorerie, les contribuables percevront, au plus tard le 1er mars 2019, un acompte de 60% sur le montant des crédits d’impôt afférents aux frais de service à la personne et de garde des jeunes enfants nés en 2017.
Espérons que la mise en œuvre se déroule sans fausse note.

Choisir le TESE pour gérer son PAS : la fausse bonne idée, par Thomas BOAGLIO, Expert-comptable mémorialiste chez Azur Fiduciaire Provence


Dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source, le ministre Gérald Darmanin a fait la promotion du Titre Emploi Service Entreprise (TESE), auprès des employeurs d’entreprises de moins de 20 salariés. Ce service de l’URSSAF présenté comme une solution gratuite et simple pour gérer le P.A.S et les bulletins de salaire, remettrait-il en cause l’utilité de la production sociale de son expert-comptable ? Rien n’est moins sûr…
Un tel message induit en effet l’employeur en erreur, car il peut penser être déchargé de toute tâche administrative. Or le recours au TESE ne dispense pas l’employeur de calculer la rémunération de son salarié en devant se référer à des données variables chaque mois. Ces données sont issues de la convention collective dont il dépend et qui est soumise à de régulières modifications ; mais issues également de la situation du salarié qui peut changer chaque mois : prise de congés, absences maladie, remboursement de frais professionnels, accomplissement d’heures supplémentaires, versement de différentes primes. La variabilité de ces données nécessite donc chaque mois un travail relevant de la seule compétence d’un
expert-comptable. Par ailleurs, le TESE ne calcule ni les indemnités de congés ou de licenciement, ni le salaire à maintenir en cas d’absence maladie, qui sont des opérations complexes.
Nous pouvons ajouter que le TESE ne gère pas toutes les déclarations sociales. Certaines formalités, qui sont normalement intégrées à la DSN, doivent être effectuées par l’employeur qui utilise le TESE comme la transmission de façon dématérialisée de l’attestation de salaire à l’Assurance maladie pour le paiement des indemnités journalières ; ou encore l’attestation employeur pour Pôle emploi en cas de rupture du contrat de travail, ce qui nécessite de compléter des imprimés chronophages.
De plus, les tribunaux condamnent régulièrement les employeurs utilisant le TESE à indemniser leurs salariés en raison d’une mauvaise application du code du travail et/ou de la convention collective, par méconnaissance la plupart du temps.

Voici quelques exemples de jurisprudence :
- Requalification du CDD en CDI du salarié embauché en TESE (Cass. soc. 3 mai 2016, n° 14-29317) : l’employeur avait embauché en CDD un salarié pour des contrats d’extra, en utilisant le TESE. Ayant tardé à transmettre au centre de traitement le volet d’indentification du salarié, dont copie doit être donnée au salarié, le CDD a été requalifié en CDI. Conséquences : licenciement sans motif ouvrant droit à des dommages-intérêts, versement du préavis et congés payés sur préavis ;
- Non-respect de la procédure de rupture du contrat (Cass. soc. 6 novembre 2013, n° 12-24053) : embauche d’un salarié en CDD en recourant au TESE et rupture du contrat sans respecter la procédure et sans verser d’indemnité. Conséquences : versement de dommages-intérêts pour rupture sans motif réel et sérieux.
Source : Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables.

Chef d’entreprises : ce qu’ils en pensent


Président du syndicat de la Côte d’Azur des "métallos" UIMM qui représente plus de six cents entreprises et 16 000 salariés, le bouillonnant Daniel
Sfecci ne cache pas qu’au départ il n’avait pas vu d’un très bon œil cette réforme du PAS.

"On se disait, qu’encore une fois, ce serait une charge supplémentaire pour l’entreprise, et globalement nous étions plutôt opposés à cette mesure obligatoire". Le temps ayant fait son œuvre, le côté épidermique s’est atténué. Aujourd’hui, bon nombre d’adhérents a décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur. "Nos équipes ont progressivement intégré le PAS, et tout le monde a compris qu’il est finalement plus logique, juste et efficace de payer l’impôt au moment où l’on touche les revenus. C’est particulièrement vrai chez les jeunes, qui y sont très favorables, et me tiennent le discours suivant : "je travaille, je paie en direct, et si je ne gagne rien, je n’ai rien à payer".

Le patron de l’UIMM estime que les grandes entreprises ont déjà digéré la réforme - "elles font des tests depuis plusieurs mois et sont prêtes" - mais reconnaît que ce changement est plus compliqué à gérer pour les petites structures.

"Pour des gens qui ont déjà la tête dans le guidon et doivent s’occuper de tout, c’est évidemment une contrainte supplémentaire".

La société familiale de transport gérée par Michel Martinon et son épouse Martine n’édite que quatre bulletins de salaire par mois.
"Alors, franchement, le prélèvement à la source, je ne m’en suis encore pas trop préoccupée. Je charge mon expert comptable d’effectuer les démarches. Pour ma part, je me contente de préparer les salaires brut, le PAS c’est lui qui va s’en charger" explique Martine Martinon.
Sa société, qui effectue de la location de semi-remorques et du transport pour les travaux publics (elle travaille en ce moment sur le chantier du tram à Nice, pour Colas etc.), fait régulièrement appel à des chauffeurs intérimaires. "C’est en fonction de la charge de travail, qui est très fluctuante. Cela permet de nous calibrer précisément à la demande et c’est pour nous plus facile à gérer que des CDD".
Autre avantage : ce sera la société d’intérim qui s’occupera du PAS, puisque c’est elle qui édite les bulletins de salaire des chauffeurs. Une forme d’externalisation pour Martinon Nice Transports, qui n’a finalement que la facture de la prestation "intérim" à régler.

Modalités : les grandes lignes de la réforme


>> ce qui ne change pas
Les règles de calcul de l’impôt ne sont pas modifiées, et le montant de l’impôt dû au titre d’une année est identique. Le barème reste progressif en prenant en compte tous les revenus du foyer. Les crédits d’impôt sont maintenus.

>> indépendants, agriculteurs
Les indépendants et agriculteurs paieront leur impôt sur le revenu via des acomptes calculés par l’administration sur la base de la déclaration de revenus et prélevés mensuellement ou trimestriellement. Les acomptes mensuels seront donc désormais étalés sur douze mois. En cours d’année, ces acomptes pourront être actualisés à l’initiative du contribuable en cas de variation importante des revenus, dans les mêmes conditions que celles des salariés.

>> retraités, revenus de remplacement
Pour les titulaires de revenus de remplacement comme les pensions de retraites, l’allocation de retour à l’emploi, les indemnités maladie ou de congé parental, l’impôt sera prélevé à la source par les Caisses de retraite, Pôle Emploi ou la Caisse primaire d’assurance maladie, en fonction d’un taux calculé et transmis par l’administration fiscale. La mise en place du prélèvement sera automatique.

>> revenus fonciers
Pour les revenus fonciers, l’impôt sur les revenus de l’année en cours fera l’objet d’acomptes calculés par l’administration et payés par prélèvements mensuels ou trimestriels. Le PAS sera appliqué au 1er janvier sur les revenus fonciers déclarés en 2018. En avril/mai prochain, la nouvelle déclaration des revenus fonciers permettra de disposer des nouveaux taux de prélèvement et du montant des acomptes applicables dès septembre. Ces acomptes sont modifiables sous certaines conditions.

>> salariés
Pour les salariés, l’impôt sera prélevé à la source par le tiers versant les revenus (employeur, particulier employeur, etc.) en fonction d’un taux de prélèvement calculé et transmis par l’administration fiscale. La mise en place du prélèvement sera automatique.
En cas de défaillance de l’entreprise, la responsabilité fiscale du salarié n’est pas engagée.
Aucune démarche n’est à accomplir pour le salarié qui pourra étudier, dès la fin de ce mois sur son bulletin de salaire, la simulation du prélèvement à la source et son impact.

Photo de Une (détail) Bercy DR

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