Peines, violences conjuga

Peines, violences conjugales : la nouvelle politique que doit suivre le parquet

Nicole Belloubet s’est exprimée devant les avocats généraux et les procureurs de la République réunis vendredi dernier dans le nouveau bâtiment du ministère de la justice "Olympe de Gouges" dans le 19ème arrondissement de Paris. Ce fut l’occasion, pour la Garde des Sceaux, de délivrer un certain nombre de messages, dont voici ci-dessous le "best of".

"Une peine d’emprisonnement de quelques semaines dans une prison surencombrée est, j’en suis convaincue, moins efficace qu’une réelle prise en charge sous surveillance électronique en milieu ouvert" - Nicole Belloubet Ministre de la Justice

>> Social : "je vous en demande beaucoup"

"L’année 2020 commence dans un contexte social difficile. Mais elle va être une année essentielle pour la mise en œuvre de la réforme de la justice. J’ai conscience que je vous demande beaucoup ainsi qu’aux magistrats et fonctionnaires de vos équipes. J’ai aussi conscience que vos juridictions sont fortement impactées par le mouvement de grève des avocats". Concernant ce dernier mouvement, la ministre a précisé que le gouvernement a pris des engagements et "espère que cela permettra de lever ce mouvement qui pèse sur le fonctionnement de la Justice et dégrade les relations entre magistrats et avocats".

>> Nouvelle politique des peines

"La loi pour la réforme de la justice modifie profondément le prononcé et l’exécution des peines. Le Ministère Public a un rôle prépondérant à jouer dans ce domaine. (Il s’agit) d’assurer le prononcé de sanctions efficaces tout en garantissant leur exécution effective (...) Voilà neuf mois que les premières dispositions sur les peines et notamment celles de la libération sous contrainte sont mises en œuvre dans les juridictions. Je suis persuadée que la systématisation de l’exécution du dernier tiers de la peine en dehors de la prison est le meilleur moyen de lutter contre la récidive. Il n’y a rien de pire, pour des peines de moins de cinq ans, qu’une sortie sèche sans aucun contrôle du condamné". Le nombre de libérations sous contrainte est ainsi passé de 732 au 1er janvier 2019 à 1 528 au 1er janvier 2020. Le recours à la surveillance électronique "s’est très sensiblement accentué" avec plus de 11 500 personnes désormais concernées. "Ces efforts ont permis de réduire la surpopulation carcérale de près de 2% dans les maisons d’arrêt alors même que la politique pénale est plus répressive puisque le nombre de personnes écrouées a augmenté de plus de 5% depuis le début du mandat". (...) Je souhaite un investissement fort de vos parquets sur le deuxième volet de cette nouvelle politique des peines dont les dispositions entreront en vigueur le 24 mars prochain. L’objectif de la loi est simple. Il cherche à éviter les courtes peines d’emprisonnement, celles inférieures à 6 mois, qui ne permettent pas, la plupart du temps, un réel travail sur la peine et contribuent, le plus souvent, à ancrer encore plus les détenus dans la délinquance, surtout dans cette période de développement de la radicalisation en prison (...). La peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique devra donc être privilégiée dans vos réquisitions pour les peines d’une durée maximale de six mois quand vous estimez qu’un sursis probatoire est insuffisant".
Il est dès lors nécessaire que vous engagiez dans chaque juridiction, en lien avec vos parquets généraux, une réflexion avec les SPIP et les associations habilitées pour organiser cette montée en charge des enquêtes dans le cadre d’un dispositif adapté.
"Des outils ont par ailleurs été conçus par la direction des affaires criminelles et des grâces et la direction de l’administration pénitentiaire sur les modalités d’exécution de la peine. Ils vous permettront de bénéficier notamment de chiffres actualisés sur le taux d’encombrement des établissements pénitentiaires du ressort, le nombre de bracelets électroniques et de places de placement extérieur ou de semi-liberté disponibles ou encore la nature des stages qui peuvent être mis en place".

>> Violences conjugales

Le Grenelle a permis "un vaste élan" de tous les ministères (Santé, Intérieur, Protection de l’Enfance, Égalité femmes-hommes, Logement et bien sûr Justice) et de tous les professionnels : médecins, travailleurs sociaux, associations, avocats, policiers bien sûr. (...) "J’ai souhaité que nous soyons en mesure de faire l’analyse critique de notre système de prise en charge et j’ai demandé à l’inspection générale de la justice d’étudier un certain nombre d’affaires de féminicides définitivement jugées. Le rapport qui m’a été remis pointe effectivement des difficultés, et parfois des dysfonctionnements, dans le traitement des procédures ou dans la façon dont l’autorité judiciaire travaille avec la police et le corps médical. Je tiens néanmoins à rappeler que ce rapport met aussi en exergue les bonnes pratiques et les initiatives heureuses de nombre de juridictions et de parquets. (...). Mais je souhaite que nous regardions en face, collectivement, les difficultés relevées par l’inspection.(...). Je souhaite ainsi que vous meniez une politique de juridiction volontariste en assurant la mise en place de ces filières de l’urgence. Ceci impose de former l’ensemble des agents à la problématique des violences conjugales (accueil de la victime, identification des procédures et des interlocuteurs pertinents et des partenaires).
Ceci impose également de décloisonner les interventions et de permettre que les informations entre les services et les magistrats d’une même juridiction, concernant une même victime, puissent circuler. Ceci doit permettre, dans le respect des règles procédurales, des interventions judiciaires coordonnées et ajustées (parquet, juges aux affaires familiales, juges des enfants, juges d’application des peines, juges chargés des contentieux de proximité)".

Suite et fin la semaine prochaine avec la lutte contre les violences conjugales et les "Retex".

Photo de Une (DR JMC)

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