Edito. La démocratie (…)

Edito. La démocratie américaine menacée

Le portrait du président trône dans l’entrée de l’université. À côté, plus petits, ceux du vice-président et du ministre de la santé. Nous ne sommes ni en Corée du Nord, ni à Pékin, mais dans un hôpital... américain, sur le sol même des États-Unis. En 2024, l’image est saisissante, caricaturale. Elle était jusqu’alors réservée aux dictatures, version ‘petit père des peuples’ vous guidant vers des jours qui chantent. Elle illustre la façon dont l’inquiétant Donald Trump pilote ‘ses’ affaires et la marche du monde.

Comme l’Argentin Javier Milei, Trump fait un usage immodéré de la tronçonneuse dans tous les aspects de la politique. Avec la légitimité du fraîchement élu, avec le soutien des chambres dominées par les Républicains, avec aussi le silence de l’opposition démocrate qui ne sait pas encore comment contrer ce président imprévisible et versatile, mais surtout autoritaire, qui défonce tout sur son passage avec la sensibilité d’un tractopelle.

Il est stupéfiant de constater la mise au pas de la démocratie aux États-Unis. Pour sauver leurs empires, les rois de la tech ont été les premiers à faire allégeance. Ils furent suivis par la presse, ce 4e pouvoir jadis capable de faire tomber les présidents aux USA, aujourd’hui menacée par des procès et des milliards de dommages et intérêts. Puis vint le tour de la recherche scientifique, dont les crédits fédéraux sont cisaillés, et celles des universités à qui sont reprochés leur politique sur l’inclusion, le genre, leur orientation vers les Lumières quand le grand patron et ses subordonnés penchent vers l’obscurantisme qui a conduit à nommer un complotiste antivax au ministère de la Santé et une championne de catch à celui de… l’Éducation.

Les juges et les avocats sont tout autant menacés. Les premiers d’être virés s’ils ne suivent pas la politique voulue par la Maison Blanche, les seconds eux aussi de procès qui les conduiraient sur la paille s’ils continuaient à chercher des poux dans la tête du pouvoir. Là encore, on n’est pas en Turquie mais bien aux USA. Quand le pilier de la justice est touché, la démocratie vacille. Ce qui ne va pas dans le sens de Trump est aussitôt qualifié de « fake news » et de « wokisme ». Des contre-vérités sont affirmées par ce pouvoir, relayées par les réseaux sociaux d’autant plus complaisants qu’ils sont sous contrôle comme « X » d’Elon Musk ou « Truth », propriété du président. La politique étrangère des USA laisse pantois.

À voir cette frénésie, ces ordres brutaux suivis de contre-ordres soudains, on se croirait dans le film « Brazil » des Monty Python. Mais il s’agit d’une farce sinistre poussant la première puissance économique vers l’autoritarisme. L’équipe au pouvoir à Washington démontre chaque jour sa morgue, son esprit de caste, sa déconnexion du monde réel.

Oui, ce monsieur Trump est inquiétant. Les élections « mid-terms » dans deux ans rééquilibreront-elles la balance ? Limiteront-elles ce pouvoir ultra libéral et ses conséquences pour la sécurité du monde, pour la santé (avec le désengagement américain dans les organismes internationaux), pour le progrès humain (liberté de penser ce qu’on veut, d’aimer comme on veut, inclusion des minorités, etc.). Bref, pour tout ce qui a patiemment été bâti depuis 80 ans pour rendre le monde (un petit peu) meilleur.