Shirley Jaffe, dans (...)

Shirley Jaffe, dans la tête d’Henri Matisse

Référence de la peinture abstraite des XXe et XXIe siècle, l’Américaine Shirley Jaffe est pour la deuxième fois invitée chez Matisse après une première exposition en 1994. Le musée niçois, remplissant sa vocation pédagogique, renouvelle ainsi régulièrement l’intérêt des visiteurs par de nouveaux accrochages, donnant l’occasion d’offrir un éclairage sur des peintres contemporains que Matisse a influencés.

Ses collections permettent au public de compléter ses connaissances sur Matisse en sortant des œuvres de ses réserves : des premières toiles d’étudiant réalisées bien longtemps avant l’adoption de ses couleurs chaudes, de mélancoliques paysages bretons, un très classique vase orné de quatre marguerites en clair obscur, des cartons de la chapelle de Vence, des nus au fusain, etc. Confrontés aux œuvres de Shirley Jaffe, ces travaux expliquent beaucoup sur l’union de ces deux intelligences artistiques.

Un virage spectaculaire

Détail d’une oeuvre ©M.L

L’hommage conséquent que le musée adresse à Shirley Jaffe montre l’influence radicale exercée par Henri Matisse sur le travail de celle-ci après qu’elle a liquidé sa façon gestuelle et expressionniste abstraite des années 60.
Elle avait sous-loué l’atelier de Louise Bourgeois à Montparnasse et fréquentait Joan Mitchell, qui habitait la même rue, Sam Francis, dans l’atelier duquel elle avait travaillé, Jules Olitski, Al Held, Jean-Paul Riopelle… Dans l’orbite expressionniste abstrait de ces Américains à Paris, elle faisait preuve de beaucoup de virtuosité. 
Alors que la Française Louise Bourgeois adoptera finalement New York, là où tout se passe, l’Américaine restera en France toute sa vie travaillant « jusqu’à la dernière minute », bénéficiant de la reconnaissance d’un peintre majeur de la nouvelle abstraction à travers un réseau de galeries à Paris, en Suisse et à Berlin. Bien des femmes artistes, Louise Bourgeois en est un parfait exemple, n’ont pas eu cette chance avec une reconnaissance trop tardive.
Les acteurs du musée niçois sont allés chercher dans les collections du Musée d’Art Concret de Mouans-Sartoux et jusque dans celles du Centre Pompidou qui lui avait déjà accordé une vaste rétrospective en 2022. Les peintures de jeunesse, celles exécutées avant le grand tournant matissien, ne sont pas moins impressionnantes.

Comme le lumineux ’Arceuil Yellow’ réalisé en 1956 dans l’atelier de Sam Francis. On suivra son cheminement, de la peinture gestuelle la brosse trempée dans la pâte épaisse des années 50, jusqu’à ses grands formats structurés par des formes géométriques de couleurs vives et contrastées, posées en aplats, réalisées avec une grande liberté, dans un ordre qu’on dira savamment contrarié, rendant au blanc son statut de vraie couleur, comme le concevait Sam Francis.
Un spectaculaire virage sur l’aile effectué après la révélation des gouaches découpées de Matisse présentées en 1961 au Musée des Arts Décoratifs.  

Photo de Une : vue de l’exposition ©M.L

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