La taxe d'habitation (...)

La taxe d’habitation devrait disparaître… en partie

Alors que la taxe foncière (TF) ne cesse d’augmenter (avec d’éventuelles légères baisses dans quelques villes durant les années pré-électorales comme le constate l’Union nationale de la propriété immobilière), la taxe d’habitation (TH) devrait, quant à elle, être supprimée. En effet, sans modification de la loi (ou de gouvernement) d’ici là, le projet de loi de finance (PLF) pour 2020 continue le dégrèvement de la TH débuté en 2018 qui devrait mener à une suppression de ladite taxe en 2023.
Mais cette "suppression" n’est pas totale et elle risque d’être lourde de conséquences sur la TF notamment.

Par Me Julien ALQUIER, Avocat en droit fiscal au Barreau de Nice, Chargé d’enseignement à l’Université Nice-Sophia Antipolis, Doctorant au sein du laboratoire CERDP (E.A n°120)

Suppression uniquement pour la résidence principale

C’est la loi de finance (LF) pour 2018 qui a commencé à dégrever progressivement la TH en commençant par les français les plus modestes. L’abattement était alors de 30% pour devenir cette année de 65% et devrait être de 100% l’année prochaine, si le PLF pour 2020 était adopté en l’état sur ce point. Mais ces abattements, qui ne concernent pas tout le monde, s’appliquent selon des conditions de ressources. Pour être éligible, il convient de respecter certains seuils. En 2019 par exemple, une personne seule (soit une part de quotient familial) ne doit pas avoir un revenu fiscal de référence de plus de 27 432€ et ce montant est de 55 880€ pour une famille avec deux enfants à charge (soit trois parts de quotient familial). Il existe ensuite un dégrèvement dégressif pour les foyers qui dépassent ces seuils mais ce dégrèvement dégressif est également soumis à des plafonds de revenus qui ne sont guère plus élevés (respectivement 28 448€ et 57 912€ dans nos deux situations précédentes). Quoiqu’il en soit, tous ces dégrèvements de TH ne s’appliquent qu’aux
cotisations de TH afférentes à la résidence principale. En d’autres termes, la TH sur les résidences secondaires continuera d’exister.

Résidence secondaire : des aménagements

En effet, la "taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale", telle que la nomme le PLF, reste en application et évolue. Ainsi, dans les zones tendues comme Nice, la majoration de la TH sur les résidences secondaires, prévue par l’article 1407 ter du code général des impôts (CGI) reste applicable. Pour mémoire, cet article, modifié par la LF pour l’année 2017, a donné la possibilité aux communes de moduler le taux de la majoration entre 5% et 60% alors qu’il n’était seulement que de 20 % précédemment pour la part de TH leur revenant au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale. De plus, la taxe sur les logements vacants, applicable en zone tendue en vertu de l’article 232 du CGI est également conservée, et la TH sur les logements vacants, prévue par l’article 1407 bis du CGI et applicable hors zone tendue reste envisageable sur délibération des communes. Les propriétaires devraient voir naître une nouvelle obligation déclarative à compter de 2023 pour permettre à l’administration d’établir la TH sur les résidences secondaires et la taxe sur les locaux vacants. Les propriétaires de locaux affectés à l’habitation devront désormais informer l’administration fiscale de la nature de l’occupation des locaux quand ils s’en réservent la jouissance. Si les locaux sont occupés par des tiers, les propriétaires seront tenus de déclarer l’identité des occupants des locaux. Cette déclaration devrait être souscrite avant le 1er juillet de chaque année, sous peine d’application d’une amende fiscale de 150 € par local. Il est à noter que cette déclaration existe déjà sous forme de demande de renseignement annuel par l’administration fiscale, mais sans sanction en l’absence de réponse. Malgré tous ces dispositifs, cela ne semble pas suffisant pour compenser la suppression de la TH.

Compensation par la Taxe Foncière

La suppression de la TH pour les résidences principales ne sera pas sans conséquence sur les autres impositions et notamment sur la TF. Cette annonce électorale promise par le président de la République représente un manque à gagner de plusieurs milliards pour les collectivités. Si ces dernières ont commencé pour la plupart à se rattraper sur les TF, cela semble loin d’être terminé. Le PLF pour 2020 envisage une refonte du financement des collectivités territoriales et prévoit à ce titre l’"instauration, à compter de 2021, d’un coefficient correcteur afin de corriger les écarts de compensation engendrés par la perte du produit de la taxe d’habitation afférente aux habitations principales pour les communes". Autrement dit, les milliards perdus de la TH doivent être compensés. Ainsi, l’attribution d’une nouvelle ressource aux communes, à savoir la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, leur sera réaffectée. À cet effet, les communes disposeront d’un pouvoir de modulation sur le taux qu’elles souhaiteront appliquer. Et dans ce jeu fiscal de déshabiller Pierre pour habiller Paul, les conséquences de baisse de revenus consécutives à cette réforme pour les intercommunalités et les départements doivent aussi intégralement être compensées par l’"affectation d’une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée". Il parait difficile aujourd’hui de savoir qui payera réellement la note. Peut-être les départements, dont le chef de l’État promettait durant sa campagne présidentielle de réduire le nombre et pour lesquels une fusion avec des métropoles reste envisageable.

À moins que ce ne soit, comme souvent, le contribuable en vertu d’une citation du feu président de la République Jacques Chirac : "on fait les cadeaux avant les élections et on décide les impôts tout de suite après".

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