Keisuke Matsushima : à la quête de l’Umami


Vie locale


7 juillet 2017

Le plus niçois des chefs japonais, Keisuke Matsushima, a une nouvelle vision de son métier de cuisinier. Convaincu que l’on se dirige vers une cuisine plus dépouillée, basée sur le respect des produits de saison, vers une cuisine plus simple et surtout plus saine et de santé, le chef niçois prend conscience qu’une nouvelle tendance se profile déjà, autour de la fameuse 5ème saveur : l’umami.

L’Umami : une saveur complexe et équilibrée

On connaissait le salé, le sucré, l’acide et l’amer. Et pourtant, déjà en 1825, Brillât-Savarin avait désigné sous le terme d’ « osmazome », ce que les japonais nomment aujourd’hui « umami », un goût différent des quatre saveurs fondamentales.

Littéralement, traduisible par « goût délicieux », l’umami est la contraction de deux mots en japonais, « Umai » (délicieux) et « Mi » (goût). Il définirait, selon les spécialistes du genre, tout ce qui est gourmand ou sapide, avec cette sensation de plaisir qui donne envie d’y revenir !

Un exemple ? Dans la cuisine japonaise, c’est par le traditionnel Dashi que l’umami a été découvert par Kikunae Ikeda, un chimiste de l’université impériale de Tokyo en 1908. Dans ce bouillon, préparation de base de nombreux plats japonais, on y trouve notamment de la bonite séchée, de l’algue kombu et des champignons shitaké.

Mais plus que l’association de ces ingrédients, c’est l’alliance des acides aminés qu’ils contiennent qui vont « libérer » l’umami, et amplifier la propre valeur gustative du bouillon.

Les effets de l’umami sur le goût des aliments

Keisuke Matsushima considère aujourd’hui que l’umami peut devenir l’accélérateur de la cuisine de demain. C’est son credo, sa nouvelle source d’inspiration. Chacune de ses recettes a été repensée, en associant le glutamate (que l’on retrouve dans les végétaux) et l’acide inosinique que l’on trouve dans les viandes et les poissons). Leur alliance forme cette capacité à équilibrer et arrondir l’intégralité de la saveur d’un plat, pourvu que l’on ait associé certains condiments, comme le nuoc-mam, afin d’éviter le sel et le sucre. En mariant plusieurs aliments umami entre eux, on décuple le plaisir. Pour lui, l’umami offre un après-goût durable, en améliorant la saveur d’une large variété d’aliments. « On apprend, dit-il, aux gens à devenir sensibles au goût »

L’umami à la sauce Niçoise

Pour ce japonais féru d’Histoire Niçoise, l’idée est d’adapter les principes de cette découverte nipponne aux produits locaux et surtout de saison. Ainsi, au lieu d’utiliser du nuoc-mam, il préfère, par exemple, utiliser un nectar italien, Colatura di Alici di Cetara, autrement dit : une sauce d’anchois séchés ! Mais au-delà du goût et des bienfaits pour la santé, Kei va plus loin dans sa démarche. Pour lui, lorsque l’on vient à Nice pour un voyage ou pour toujours, on y cherche de l’apaisement. C’est ce repos spirituel qu’il distille à travers ses plats, dont chacun a un sens, une histoire et transmet la tradition, le goût du bon.
Même la salade Niçoise, qu’il juge être le parfait exemple de l’umami à la Niçoise et dont il suit, quasiment à la lettre, la recette de Jacques Médecin, se déguste avec cette sauce élégante et raffinée qui amplifie ce goût « umamissime ».

La nouvelle carte umami de Kei

En amuse-bouche, son Gaspacho contient thon, anchois, condiments et huile d’olive, auxquels il ajoute des glutamines telles que tomates, ail et cébettes, du concombre pour la fraîcheur et du poivron rouge pour les vitamines. Tout est bon pour la santé ! L’important est de bien choisir la saison des produits, afin qu’ils aient une bonne maturité. En entrée, son Tartare de sardines est servi avec un Poivron rouge en sorbet sur un risotto d’épautre au fond de volaille, relevé d’un peu de nuoc mam ou de Colatura di Alici di Cetara. Plus besoin de mettre du sel, tout comme pour son Agneau de lait rôti à la ratatouille niçoise, caillette d’épaule au cumin et curry, au jus d’agneau au basilic. Dans sa recette du Poulpe « Riviera » poché, Kei exploite les synergies avec une combinaison « umamissime » de câpres, huile d’olive Taggiasca extra vierge et purée de pois chiche. Quant à ses Fraises de Carpentras au Sabayon de Pistache, granité de yaourt grec et sorbet fraise au thym, elles n’ont pas besoin de supplément de sucre. Miam, il est l’heure de réserver pour déguster ;)


Valérie Noriega