Le plan du scorpion


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8 septembre 2011

Bon, c’est fait. La planète est sauvée. Enfin, presque : le plan d’aide européen tant attendu est désormais sur les rails. Comment ça, quel plan d’aide ? Vraiment, il faut vivre dans une caverne pour ne pas être au courant. Voilà un bon moment que l’ONU, par le canal de son agence pour l’alimentation, recommande vigoureusement aux Occidentaux de modifier leur régime alimentaire : nous mangeons trop de viande. Il ne s’agit pas d’une question de santé publique : tout le monde sait que c’est en devenant carnivore que l’homo sapiens a pu parvenir à ce qu’il est : un singe de belle stature, intelligent, raffiné, pacifique et altruiste. Autre chose que le primate ras-du-bonnet qu’il était avant, distribuant des marrons à ses congénères pour s’approprier les châtaignes, les baies et les racines de son régime ordinaire. Non, le problème contemporain, c’est que l’élevage des bovidés nécessite une consommation extravagante de végétaux (10kg pour 1kg de viande) et un véritable océan d’eau claire. Ça ne peut plus durer : il faudra nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, alors que les surfaces agricoles ne cessent de se réduire et les nappes phréatiques de s’assécher. Il faut réagir.

En foi de quoi l’UE vient-elle de débloquer 3 millions d’euros destinés à « la recherche et la promotion » d’un autre type d’alimentation, dans lequel les protéines dont nous avons besoin sont apportées par… les insectes. Pas besoin de subventionner la recherche : on connaît déjà tout ce qui se mange dans les contrées dépourvues de grasses prairies et épargnées par les pluies. Larves, chenilles, fourmis, criquets et autres scorpions constituent l’ordinaire de populations qui rêvent secrètement de se taper une côte de bœuf dès que la FAO tourne le dos. En revanche, il est probable que 3 millions seront très insuffisants pour la promotion d’un tel régime auprès de 500 millions d’Européens, sauf à interdire l’usage d’insecticides. Sans doute serait-il plus opportun de les accorder en intégralité à la Grèce, où les populations vont devoir faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour assurer leur ration calorique. Car les quelque 150 milliards d’aide que l’Europe pourrait lui accorder, un jour prochain ou un peu plus tard, ne sont pas destinés aux autochtones mais à leurs créanciers. Si bien que les Grecs pourraient bientôt damer le pion à la FAO par la mise au point d’une nouvelle façon de déjeuner. En rôtissant les banquiers qu’ils ont généreusement engraissés. Chacun son goût, mais on préfère élever des scorpions. C’est moins dangereux.

La recette du jour

Côte de bœuf à la FAO

Vous êtes conscient des périls auxquels vous exposez la planète avec votre alimentation carnée. Réagissez. Mettez en pot une côte de bœuf sur votre balcon. Quand vous aurez achevé de boulotter les géraniums, prélevez larves et chenilles dans la côte en décomposition. Cuisez à la vapeur sur un lit de gazon frais. Si ce régime vous déprime, élevez des scorpions. Et lâchez-les vivants dans les bureaux de la FAO.


Jean-Jacques Jugie