Le sucre et le gras hors-la-loi


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3 octobre 2011

Les temps impécunieux présentent un gros avantage : ils obligent à un effort d’imagination pour trouver des sous. Ils pourraient même donner lieu à la naissance d’une nouvelle discipline : la médico-économie, une science ayant pour objectif d’équilibrer le budget des Etats par l’amélioration de la santé publique. Beaucoup a déjà été fait, convenons-en : l’alcool et le tabac sont étrillés de taxes, ce qui a définitivement ruiné les ivrognes tabagiques et dopé la culture de la moquette exonérée. Beaucoup a été fait : les contribuables se portent mieux et vivent plus vieux. Mais ils grossissent, comme les déficits publics. En foi de quoi la France vient-elle de décider une opportune taxation des sucres ajoutés aux boissons, les sodas étant un facteur d’engraissement prématuré des jeunes générations. Reste maintenant à imposer les confiseurs, les pâtissiers, les importateurs de rahat-loukoums et les propos sucrés des personnalités politiques : notre pays conservera sa ligne et son triple A.

Encore que de telles mesures seront probablement insuffisantes. Il faudra alors copier sur le Danemark, qui vient d’instituer une forte taxe sur les graisses, après la Hongrie qui allume également le sucre et le sel – mais pas le paprika. C’est que les Hongrois sont les plus replets d’Europe, contrairement aux Roumains, lesquels déplorent leur minceur et viennent s’engraisser chez nous. L’Union est encore loin d’avoir instauré l’égalité dans sa communauté. Mais les Etats ne sont pas les seuls à combattre les effets d’une consommation mal équilibrée. Voyez par exemple la grande banque Goldman Sachs, menacée de bouffer tous ses bénéfices sur le trimestre en cours. La réaction ne s’est pas fait attendre : la Banque vient de réduire le format de ses gobelets à café, qui avaient jusqu’alors la taille d’une chope berlinoise : 33 cl ! Cette mesure devrait restaurer les profits de la firme : par les économies sur les postes « gobelets », « café » et « eau », dont les cours se sont envolés grâce aux bons soins des traders de la banque. Et surtout par l’amélioration de la productivité des employés : moins de temps gaspillé autour de la machine à café, moins de temps dilapidé aux toilettes. C’est une bonne nouvelle pour les actionnaires de la société et une mauvaise pour tous les autres : ainsi remobilisés, les banquiers de Goldman Sachs sont bien capables de faire leur beurre en spéculant sur les épinards. Les nourritures saines sont désormais menacées.

La recette du jour

Régime de saison

Vous avez adopté le mode alimentaire déplorable des sociétés dites avancées : trop de sel, trop de sucre, trop de gras. Les nouveaux impôts devraient vous aider à lutter contre votre surcharge pondérale. Si vous n’y parvenez pas, engagez-vous chez Goldman Sachs : vous serez mis à la diète. Et avec vos profits, achetez une résidence en Roumanie : les gros y sont interdits.


Jean-Jacques Jugie