La carpe et le lapin


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24 octobre 2011

Vous vous rendez compte du paquet d’heures supplémentaires ? A travailler comme des forcenés tout le week-end, avec leur staff, leurs sherpas et leurs impedimenta, les 27 ont ajouté une louche de dépenses salariales à leurs déficits respectifs. Mais le jeu en valait la chandelle : ils se sont mis d’accord. D’accord pour se retrouver mercredi, s’entend. L’affaire n’était pas gagnée d’avance, tant les ambitions affichées étaient, et demeurent, irréconciliables. D’un côté, l’orthodoxie teutonne défendant la liquidation de la Grèce et la mise en redressement judiciaire des créanciers bancaires les plus exposés ; de l’autre l’hérésie française, plaidant le recours à l’ingénierie financière pour remettre la pâte dentifrice dans le tube. Le plus curieux réside dans les commentaires de la presse francophone : les tenants de la sorcellerie financière sont qualifiés de pragmatiques. Tel le successeur italien de Trichet à la tête de la BCE, qui pourrait, nous dit-on, se monter compréhensif à l’égard de la position élyséenne : conférer le statut de banque au Fonds de solidarité européenne, afin que le FESF puisse poursuivre au nom de tous la cavalerie que les banques de l’Union mènent en leur nom personnel.

C’est donc avec une impatience non dissimulée que l’on attend la réunion plénière de mercredi, supposée faire naître un rejeton consensuel du mariage improbable de la carpe et du lapin. Afin d’éviter que le sommet cannois du G20 ne soit autre chose qu’une foire d’empoigne. Eh bien, voyez-vous, les marchés financiers ont déjà voté avec un bel ensemble pour un happy end : en Europe et aux Etats-Unis, la semaine passée s’est achevée avec un robuste rebond boursier. Ce matin à Tokyo, l’enthousiasme ne se dément pas. Comme les marchés sont supposés omniscients dans leurs anticipations, sur quelle issue ont-ils donc parié ? On ne voit qu’une hypothèse rationnelle : les Boursiers misent sur une victoire et une défaite simultanées des deux positions impossibles à concilier. A savoir que la dette de la Grèce sera rabotée d’au moins 50% – il est techniquement impossible de faire autrement. Et que le nouveau radeau de l’espérance, baptisé FESF, portera le container des toxines passées ainsi que les nouvelles dettes atomiques dont il faudra irradier le système bancaire pour ralentir le développement de la tumeur. On s’approche de la solution recommandée de longue date par les Américains : que la BCE fasse comme la FED et crée autant de liquidités que nécessaire pour maintenir le système en respiration assistée. Une médecine du désespoir qui permet de gagner un peu de temps. Mais ne guérit le malade qu’en cas de survenance d’un miracle.

La recette du jour

Régime Boileau

Vous dirigez une entreprise qui a bâti sa prospérité sur le travail opiniâtre et la prodigalité. Vous vous êtes imprudemment associé à des cigales que vous avez cru pouvoir convertir à votre partition ascétique. Repentez-vous et relisez Boileau :
« L’argent, l’argent, sans lui tout est facile.
La vertu sans argent est un meuble inutile. »


Jean-Jacques Jugie