Les banquiers à la diète


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26 octobre 2011

Il y a finalement pas mal de ressemblances entre l’industrie financière et celle du bâtiment. Ce qui renchérit le prix des services n’est pas tellement le coût des principaux facteurs de production : on sait maintenant doser le béton avec précision, de façon à ce qu’il n’explose pas avant le terme de la garantie décennale ; quant aux salaires, le recours au travail clandestin permet de maintenir leur modération. Mais la réglementation alourdit méchamment l’addition et les ingénieurs n’ont pas encore trouvé le moyen de délocaliser les immeubles. Les financiers sont quand même sont mieux lotis : ils disposent des paradis et des dark pools pour s’asseoir sur les contraintes les plus coûteuses. Et leur matière première de base, le capital, ne coûte pas cher : en cas de besoin, ils en trouvent autant que nécessaire dans les rayons des supermarchés gouvernementaux et dans les coffres virtuels de la Banque centrale. Seulement voilà : dans le bâtiment comme dans la banque, la démolition coûte un maximum. A cause du traitement des déchets, bien entendu ; autant de toxines qui peuvent vous pourrir l’environnement si vous ne les retraitez pas au bon moment.

C’est pourquoi la France entière retenait son souffle avant le vote du Parlement relatif au sort de Dexia. Voilà une banque née sur fonds publics, recapitalisée au début de la crise par des fonds publics, puis de nouveau perfusée par des fonds publics (une augmentation de capital souscrite par les actionnaires publics et financée par un emprunt contracté auprès d’une filiale de… Dexia), qui désormais doit bénéficier de fonds publics pour être démantelée. Faire et défaire, c’est toujours travailler. On doit donc rendre hommage au sens des responsabilités de la Commission mixte paritaire, où la représentation sénatoriale n’a pas abusé de son pouvoir d’opposition tout neuf : l’Assemblée a ainsi pu voter les garanties françaises au démontage de l’usine à gaz franco-belge. Mais il ne s’agit que d’une caution, vous l’avez compris. Un engagement hors bilan qui compte pour du beurre. Au moins tant que la crémière continue de baratter. Mais le vote d’hier soir, d’un texte portant sur le principe général du soutien public au secteur bancaire (qui n’en a pas besoin, selon ses allégations rodomontes), a été assorti de conditions draconiennes. Quiconque bénéficie du soutien étatique doit renoncer à bonus et stock-options pour ses dirigeants et à dividendes pour ses actionnaires (sauf par attribution de titres). Ça va être terrible : ou bien nos banquiers vont préférer s’immoler plutôt que d’accepter l’aumône publique, ou bien vont-ils s’exiler en masse aux Caïmans, à Panama ou à Vanuatu. Et comment fera-t-on, s’il vous plaît, pour retirer nos sous des distributeurs de billets ?

La recette du jour

Médication sénatoriale

Vous êtes employé de banque et n’avez supporté l’opprobre de votre statut que grâce au salaire mirifique, aux bonus, stock-options et autres gâteries qui tombent dans votre escarcelle. Depuis hier soir, c’est terminé. Indignez-vous devant la porte de votre agence pour attendrir vos contemporains. Ou invitez votre Sénateur à déjeuner : il vous expliquera pourquoi vous ne devez pas paniquer.


Jean-Jacques Jugie