La magie de la TVA


Blog


8 novembre 2011

La fiscalité constitue un sujet inépuisable de disputes passionnées. Mais aussi un thème de réflexion très stimulant. Le signataire se souvient d’un jour lointain où il pérorait en public sur la théorie de l’impôt. Un vieux monsieur, ancien haut-fonctionnaire du Trésor, l’avait alors interpellé : « Mon jeune ami, vous vous méprenez. Les impôts, c’est beaucoup plus simple : vous les augmentez tant que les gens acceptent de les payer ». C’était une boutade, sans aucun doute, mais qui délivrait un message subliminal : un budget public prend forme sous la contrainte de la nécessité. Les services en charge de l’établir présentent au politique la palette d’instruments susceptibles de conduire à l’objectif fixé. Le gouvernement choisit alors les moyens qui lui paraissent les plus appropriés pour gagner les voix qui lui manquent aux prochaines élections, ou pour en perdre le moins possible. Mais lorsque l’équation ne présente pas de solution crédible, il ne reste plus que l’option Papandréou (jeter l’éponge et laisser d’autres se débrouiller), ou la stratégie Berlusconi (maintenir officiellement le cap et faire ses valises en secret).

Chez nous, la question de la TVA pourrait raviver de fructueux débats sur la théorie de l’impôt. Chaque fois qu’il est question de toucher à cette taxe, dans un sens ou dans l’autre, c’est que la situation est tendue. Pour une raison évidente : elle constitue le plus gros morceau des ressources budgétaires. L’abaisser, c’est normalement accorder un pouvoir d’achat supplémentaire au consommateur final, donc stimuler les secteurs d’activité concernés (travaux du bâtiment et restauration en sont un bon exemple). L’augmenter, c’est ponctionner le pékin, sauf à imaginer que le système marchand réduise ses marges en conséquence pour ne pas augmenter les prix – ce qui n’est pas toujours possible, et n’est jamais souhaité par les intéressés. Cruel dilemme. Il est toutefois prévisible que le buzz autour d’une hausse prochaine de la TVA ressuscite un débat aujourd’hui évanoui : celui consistant à focaliser l’imposition sur la dépense et non sur le revenu. L’approche d’une méga-TVA ne manque pas de fondements défendables : par leurs achats substantiels, les plus hauts revenus paieraient beaucoup d’impôt « indolore ». Et s’ils se montraient parcimonieux, leur épargne viendrait opportunément compenser les énormes besoins de financement publics et privés. Convenons-en : une grosse gabelle sur tout achat ferait mécaniquement baisser la consommation. Et donc l’activité dans son ensemble. Mais il est devenu évident que la planète ne peut pas poursuivre sa frénésie de croissance passée, du moins sa boulimie de biens matériels, bornée par l’épuisement des ressources naturelles. Enfin, si ces arguments ne suffisaient pas, un autre finira par s’imposer : la TVA est tellement productive pour le Trésor que la tentation de l’exploiter va devenir irrésistible.

La recette du jour

Gabelle et santé publique

Vous êtes en charge du budget de l’Etat et donc confronté à la quadrature du cercle. N’hésitez pas : majorez considérablement la gabelle sur le sel, le sucre, le gras, le carburant et la télévision. D’accord, vous ne serez pas réélu. Mais grâce aux recettes supplémentaires et à l’équilibre du budget de la Sécu, vos successeurs vous feront ériger une statue. S’ils sont de bonne foi, bien entendu.


Jean-Jacques Jugie