10 novembre 2011
Bon, il faut s’occuper de tout, ici. On voit bien que vous, lecteur, êtes préoccupé : vous ne savez pas où placer vos sous en ces temps compliqués. La Bourse baisse et monte pour les mêmes raisons futiles et s’oriente maintenant vers les profondeurs ; le mètre-carré parisien vaut plus qu’il ne le mérite et il n’y a presque rien à vendre dans la Capitale ; même l’avenir de vos dépôts en compte-courant vous fait frémir, chaque fois que la banque vous envoie un relevé. C’est-à-dire pas très souvent, heureusement. Vous avez déjà davantage de toiles de maîtres que de murs dans votre manoir ; davantage de lingots que ne peut en contenir votre coffre – et il n’y a plus de tas de charbon où les planquer, depuis que vous avez opté pour le chauffage solaire. Pas question d’acheter un yacht : c’est invendable en cas de crise et ça met le mal de mer hors de prix. Pas question de se gaver de rente d’Etat : ça fond en même temps que la signature des émetteurs et ça s’évapore avec l’hyperinflation. Comme on pourrait connaître simultanément une dépression, des faillites souveraines et l’hyperinflation, mieux vaut ne pas y songer.
Il est donc temps de prendre votre billet pour Genève. Pas pour y planquer votre fortune : la Suisse a été obligée de négocier avec tous les pays du monde, et les temps heureux d’une fiscalité (très) modérée sont maintenant révolus. Non, il s’agit de participer à une vente qui aura lieu mardi prochain. Vous vous souvenez peut-être que l’année dernière, une mine sud-africaine avait extrait un énorme diamant brut. Sa taille en poire a produit une pierre magnifique, d’un jaune vif envoûtant, qui est désormais la plus grosse du monde dans la catégorie : près de 111 carats. Selon Sotheby’s, chargé des enchères, le prix de la bien-nommée « Sun Drop » (« Goutte de Soleil ») devrait s’établir autour de 11 millions d’euros. Pour peu que vous songiez à l’acquérir ce vendredi, donc le 11/11, de préférence à 11 heures 11, vous obtiendrez une configuration numérologique absolument unique, propre à vous garantir un bonheur scintillant pendant les 111 prochaines années. Et encore plus pour votre épouse, à qui vous offrirez le caillou, bien entendu. Outre l’assurance de posséder une valeur unique, et donc de sécuriser votre capital, vous serez en harmonie avec la publicité que fit autrefois De Beers – le slogan le plus merveilleux que la firme ait jamais produit : « Offrez un diamant à votre femme. Si vous ne savez pas pourquoi, elle le sait ».
Diamant en jachère
Vous rêvez d’offrir un gros caillou à Madame pour les fêtes de fin d’année, mais vous craignez de ne pas en avoir les moyens. Ne renoncez pas. Achetez une pelle, une pioche et un tamis, et prospectez votre jardin. Si vous ne trouvez rien avant le début de l’hiver, ne désespérez pas : votre terrain sera prêt pour la plantation de chênes-truffiers. Le diamant noir n’est pas mal non plus, et bien plus digeste.
Jean-Jacques Jugie