La cavalerie Monti


Blog


14 novembre 2011

Le « printemps italien  » ? Ils n’exagèrent pas un peu, les Romains, de se prendre pour des Egyptiens et autres Tunisiens ? On ne sait quel degré de spontanéité accorder aux attroupements qui ont copieusement hué Berlusconi, après l’officialisation de sa démission. Mais on peut s’étonner qu’un dirigeant incroyablement populaire chez lui pendant sa longue carrière, alors qu’il était moqué à l’étranger pour ses plaisanteries de corps de garde, son comportement revendiqué de satrape libidineux et son art un peu appuyé de la combinazione, on peut s’étonner qu’une telle icône politique puisse soudainement faire l’objet d’un rejet aussi massif. Surtout au moment où il lambinait pour imposer aux Italiens la purge qui leur est promise, et que la cavalerie appelée en renfort, sous le commandement probable du vertueux Monti, va s’employer à administrer avec toute la rigueur d’un Empereur de la Rome antique. Ces débordements de liesse médiatisée, lors de la chute d’un tyran d’opérette, font songer à cette réplique du Caligula de Camus : « Allez annoncer à Rome que sa liberté lui est enfin rendue et qu’avec elle commence une grande épreuve  ».

Si l’on en croit les commentateurs, qui ont pour l’occasion largement puisé dans leur répertoire de bienpensance, l’Italie a désormais besoin d’un « gouvernement technique ». C’est-à-dire un gouvernement « d’union nationale » ignorant les lois de la politique, celle qui commande de se trouver peu ou prou en phase avec les aspirations de la majorité électorale, selon les normes incontournables des principes démocratiques. En foi de quoi Mario Monti a-t-il été préalablement intronisé « sénateur à vie », une pratique démocratique désormais atypique, mais courante chez les dictateurs de la vieille Rome. Une décision un peu hasardeuse à l’aune de l’Histoire : Caligula fut assassiné la veille du jour où il comptait nommer Incitatus sénateur à vie. Bon, d’accord, Incitatus était son cheval. Alors que Monti appartient à une écurie « indépendante », celle qui subit son entraînement à l’Université de Yale, gagne ses courses à la Commission européenne et mérite ainsi son paddock princier chez Goldman Sachs. On ne saurait trop recommander aux Italiens, pour lesquels les Français ont une grande affection, de lire ou relire le Caligula précité. A son Intendant (son ministres des finances, si l’on préfère), qui le presse de se pencher d’urgence sur la situation du Trésor, voilà ce que lui répond l’Empereur : « Écoute-moi bien, imbécile. Si le Trésor a de l’importance, alors la vie humaine n’en a pas. Cela est clair. Tous ceux qui pensent comme toi doivent admettre ce raisonnement et compter leur vie pour rien puisqu’ils tiennent l’argent pour tout. ». Bien vu, Caius. Notre compassion vous accompagne, amis Romains : avec votre liberté retrouvée commence une grande épreuve…

La recette du jour

Pasta a l’arrabiata

Votre grenier à grains est aussi vide que votre cassette. Limogez votre intendant lubrique et faites-le conspuer par vos gens. Au dîner, supprimez les antipasti et faites servir en direct une assiettée de racines. Si l’on vous bombarde de vaisselle, vous avez inventé une nouvelle recette de pasta a l’arrabiata  : ce ne sont pas les pâtes qui sont en colère, mais les commensaux.


Jean-Jacques Jugie