La propagande boum-boum


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18 novembre 2011

Comme s’il n’y avait pas suffisamment de brasiers sur la planète, les grandes nations n’hésitent pas à souffler sur l’incendie. Même celles qui ont, chez elles, le feu au caleçon. On découvre ce matin dans la presse luxembourgeoise une touchante photo de famille prise chez l’avionneur Boeing. Avionneur et aussi fabriquant d’armes. Car en arrière-plan se détache la dernière création de la firme, que le Pentagone aurait acquise par paquets de douze : une superbombe longue de six mètres, avec un chapeau sur la tête, capable de perforer une enceinte de béton armé de… vingt mètres d’épaisseur ! Sacrebleu, mais à quoi peut bien servir une telle horreur ? Aucune forteresse n’a jamais été bâtie de la sorte. A moins que… A moins que l’Iran, cette nation perfide, malpolie et mahométane, n’ait dissimulé de démoniaques ateliers d’alchimie nucléaire sous un tel bouclier. Le message est aussi subliminal qu’une pub de lessive : si l’Iran bidouille une arme nucléaire en dépit de ses dénégations, et si ses labos sont enfouis sous une montagne de béton, alors le MOP américain (« Massive Ordnance Penetrator ») fera tout péter. Et transformera l’Iran en un cratère béant jusqu’au centre de la Terre. Tels sont désormais les canons, si l’on ose dire, de l’ordre mondial régi par la guerre humanitaire préventive : pour éviter l’usage hypothétique d’une arme nucléaire improbable, on pulvérise le suspect avant qu’il ne nourrisse de mauvaises intentions. On l’envoie direct au paradis des Gentils pour éviter le conflit. Une philosophie en dentelle rhétorique, made in USA.

Pourquoi tant de haine ? Il paraît que le Président iranien, ce malotru, aime bien faire de la provoc’ dans ses discours ; c’est possible quoique très ordinaire : on connaît plein d’autres dirigeants dans ce cas. En revanche, il affiche la dégaine parfaite du méchant dans les films de Walt Disney et ça, les innombrables téléspectateurs qui n’entravent pas un mot de parsi peuvent en juger sur pièces. Qu’il nous soit donc permis de délivrer un conseil aux Chancelleries du monde entier : pour conjurer le « péril iranien », réel ou imaginaire, que l’on envoie à Téhéran le Barbier de Séville (ou un autre, s’il est en tournée) pour élaguer Mahmoud, et qu’il soit accompagné d’une maquilleuse du Lido pour adoucir le regard farouche du Président. Et surtout, s’il y a une action de commando à mener, elle doit viser le Tailleur d’Ahmadinejad : vous avez vu ses costards ? Même feu Mao Tsé Toung était mieux sapé. Que l’on demande derechef à John le Carré de prêter à Téhéran son Tailleur de Panama. Ce sera moins risqué que de confier le dossier au Philosophe Officiel de la République Française, vous voyez qui ? Il est toujours tiré à quatre épingles, certes, mais trop prompt à en découdre avec les rastaquouères. Il faut vivre avec son temps. Aujourd’hui, la politique internationale ne se mène plus à la Corbeille, coco, mais à la télévision : rasez-vous de près, habillez-vous chez Gucci, chaussez-vous chez Berluti. Et souriez. Si vous êtes filmé, vous serez aimé.

La recette du jour

Communication de crise

Vous dirigez un pays en pleine chienlit. Vos concitoyens vous conspuent et menacent de vous saquer. Cherchez-vous un ennemi crédible, avec du poil au nez et sapé comme l’as de pique. Accusez-le d’avoir la rage nucléaire et mahométane. Vous pourrez le noyer sous votre propagande et faire flotter votre popularité. Jusqu’à la semaine prochaine, si ce n’est moins.


Jean-Jacques Jugie