L’ordonnance de Diafoirus


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22 novembre 2011

229.874 dollars. C’est ce qu’il en coûtait hier, en clôture, pour garantir 10 millions d’emprunts de l’Etat français. Trois fois plus cher qu’en juillet dernier. Il s’agit des fameux CDS, ceux qui servent de thermomètre à la qualité de signature de l’émetteur, et dont le prix évolue en sens inverse de celui des obligations concernées. Que nous dit Moody’s ? Que les comptes publics de la France sont fragilisés par le supplément d’intérêt que le pays doit ainsi payer à ses créanciers. Merci du tuyau. Et donc que les objectifs de rééquilibrage budgétaire sont compromis, compte tenu des perspectives moroses de l’activité économique. Alors, quel remède, docteur ? « Le modèle social français ne peut pas être financé si le potentiel de l’économie française n’est pas préservé » nous explique doctement l’Agence, distribuant ainsi la même potion qu’elle a administrée aux Grecs, aux Irlandais, aux Portugais et aux Italiens, avec les remarquables résultats que l’on peut observer. De ce fait, quand notre gouvernement aura serré d’un cran supplémentaire la ceinture budgétaire, en dépit de ses dénégations présentes, Moody’s nous dira que le régime a anémié le patient et provoqué une nouvelle invasion du virus de la dette. Le remède de l’Agence aggrave ainsi le mal : face à cette maltraitance caractérisée, que fait donc la DAS ?

Le plus cocasse dans l’affaire n’est pas l’absurdité du scénario. On sait depuis longtemps que la prétendue science économique est aux mains de Diafoirus de bastringue. Sauf que dans le cas présent, les malades ne sont pas imaginaires. Si la dette excessive est bel et bien un fléau, la chirurgie lourde que réclame la situation ne peut passer par le renchérissement de l’emprunt. Mais le plus spectaculaire de l’histoire réside dans les CDS. Ces titres sont supposés constituer une assurance pour les créanciers qui ont prêté leur argent à des débiteurs fragiles. Or, que s’est-il passé en Grèce lorsque sa dette a été restructurée, et que les prêteurs ont dû abandonner la moitié de leurs encours ? Eh bien, l’assurance n’a pas été actionnée. Car l’autorité qui décide de l’indemnisation est constituée, hum, d’une assemblée des… assureurs qui ont encaissé les primes. Devant un tel précédent, on se demande bien pourquoi lesdits CDS continuent d’être émis et cotés. Car lorsque les assureurs n’ont ni la volonté, ni les moyens de payer les sinistres qu’ils sont censés garantir, c’est que la situation est vraiment calamiteuse. Et si les assurés continuent malgré tout de payer leurs polices, c’est que leurs espérances triomphent de leur expérience. Ce n’est pas plus rassurant.

La recette du jour

Homéopathie de crise

Il n’y a pas de recette contre l’aliénation collective, sauf la patience : le bon sens finit toujours par triompher. Mais mieux vaut ne pas être pressé.


Jean-Jacques Jugie