Rubik : la discorde au cube


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25 novembre 2011

Combien coûte aux Etats l’évasion fiscale ? Eh bien justement, personne ne le sait, puisqu’il s’agit d’argent qui échappe à la taxation. Mais les services concernés font mouliner leurs statistiques et évaluent le manque à gagner à des montants astronomiques. Qui font rêver les ministres des Finances, obligés de racler les fonds de tiroirs. Et qui font flipper les pays, situés sur le continent européen, qui sont spécialisés dans l’accueil des évadés. La Suisse, principalement, fait l’objet d’assauts constants. Les Etats-Unis la pilonnent au bazooka de sa diplomatie toute en nuances, et l’UE a signé avec elle, en 2004, une convention qui permet à ses Etats-membres de percevoir une (petite) fraction de la retenue à la source libératoire (35%), opérée sur les revenus de la fortune des déposants non-résidents. De la sorte, la Suisse a préservé son trésor qui vaut un fromage : le secret bancaire. Un solide verrou que l’Union tente, sans succès jusqu’à ce jour, de dégoupiller. Si bien que la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont préféré signer un accord « Rubik », qui vaut amnistie des contrevenants, en échange de la perception d’une taxe significative sur les revenus et gains en capital des fortunes concernées, avec rappel sur les dix années antérieures : Londres et Berlin vont ainsi engranger une grosse cagnotte, bienvenue en ces temps de disette. Et les banquiers suisses ont déjà capitalisé de fortes migraines : pour comprendre les formules de calcul prévues dans l’accord, il faut être expert dans le « rubik’s cube » ou titulaire d’un doctorat de mathématiques.

La France, pourtant réputée pour ses matheux, vient de refuser Rubik : pas question d’amnistier les fraudeurs. En période électorale, à tout le moins ; après, on verra. Mais le calendrier n’est pas seul responsable du refus. La Commission tire à boulets rouges sur ces accords bilatéraux, qui « empiètent sur la législation européenne ». Si bien que le commissaire à la Fiscalité enjoint Anglais et Allemands de renégocier les accords Rubik, afin de ne pas mettre en péril le toilettage prévu de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne. Car le Luxembourg et l’Autriche, eux aussi concernés par une industrie financière paradisiaque, exigent légitimement d’être mis sur un pied d’égalité avec la Suisse. Or Rubik préserve le secret bancaire que la directive prétend assassiner. Pour ne pas ajouter un motif supplémentaire de discorde dans une famille européenne déjà passablement désunie, la Présidence de l’Union vient de renvoyer les discussions en cause à des jours meilleurs. Les évadés gagnent ainsi un nouveau répit. Qu’ils apprécieront d’autant plus que la fiscalité nationale est soumise à un dérèglement climatique accéléré, promettant des orages d’une intensité toute tropicale…

La recette du jour

Vertu en enfer

Vous savez depuis votre naissance que la vertu est récompensée. C’est sûrement vrai, mais dans une autre vie. Au quotidien, c’est exactement le contraire : le paradis n’est accessible qu’aux fraudeurs. Le contribuable à l’âme pure est ainsi probablement condamné à l’enfer fiscal. C’est ainsi que le Trésor reconnaît les siens.


Jean-Jacques Jugie