Un môle de triple A ?


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29 novembre 2011

Le temps s’accélère, l’avez-vous remarqué ? Hier, le Père Noël est passé avec plusieurs semaines d’avance sur le calendrier. Il a distribué par brassées des hausses spectaculaires sur toutes les places financières, la nôtre ayant été particulièrement gâtée. Un rebond de 5.46%, ce n’est pas de l’optimisme, mais de l’euphorie. D’accord, toutes les Bourses avaient beaucoup baissé auparavant, et Paris avait souffert davantage que ses frères en Europe. Mais notre pays a-t-il fait preuve de tant de sagesse qu’il mérite d’être aussi généreusement récompensé ? On ne saurait l’affirmer, mais tel est le jugement impartial des marchés. Qui croient voir poindre à l’horizon le bout du tunnel de la crise de la dette : une issue favorable serait maintenant possible, probable, voire quasiment assurée. Grâce à l’activisme forcené du « couple franco-allemand », qui aurait mis au point le plan approprié pour sauver la famille. Au moins la famille proche. Enfin, celle qui est très, très proche. Ou disons plutôt, le plan permettant de sauver le couple. Les enfants, eh bien, ils sont majeurs, non ? Il est temps pour eux d’apprendre à se débrouiller tout seuls.

La méthode envisagée ressemble à celle des grandes entreprises lorsqu’elles sont gênées aux entournures : on cède des actifs devenus soudainement « non stratégiques » et l’on « se recentre sur le cœur de métier » avec des effectifs allégés. Au cas d’espèce, les Etats dotés du Triple A, un brevet plus facile à perdre qu’à gagner, constitueraient une holding majoritaire en apportant à la structure leurs participations et le pouvoir de gestion. C’est contraire aux traités européens ? Ben oui, justement, mais on n’a pas le temps de suivre une procédure de révision qui serait nécessairement longue et, entre nous, plutôt incertaine : les citoyens ne sont guère chauds pour une Europe fédérale gérée par les technos de la Commission. Et tous les (nombreux) pays qui ne feraient pas partie du deal, cédés pour un euro symbolique à leurs habitants, se transformeraient alors en sociétés coopératives de production, nos Scop, ces entités qui expérimentent l’autogestion sans capital avec des résultats pour le moins contrastés. A ce jour, le club des Triple A européens comporte encore six membres, qui constitueraient un môle pour protéger le ballon de la monnaie unique, promise à ne devenir que commune. Les autres équipiers seraient abandonnés à la sauvagerie des marchés, qui les mettraient en pièces, à l’exception de ceux qui accepteraient une totale allégeance budgétaire au suzerain AAA et bénéficieraient ainsi de sa protection. En un mot, pour sauver l’Europe, on sacrifierait bon nombre de ses membres actuels. Admettons-le : le contexte est aujourd’hui explosif et l’avenir plutôt incertain. Mais il est permis de s’étonner que les marchés se réjouissent à la perspective de la boucherie promise par le nouveau plan de repli. S’il était adopté, bien sûr, et rien n’est encore fait.

La recette du jour

Le complexe d’Ugolin

Une météo détestable a ravagé vos récoltes ; les greniers sont vides, les prêteurs ont détalé et vous êtes assiégé. Vous êtes tenté d’adopter le menu d’Ugolin, ce roi qui survécut à la disette en boulottant ses enfants. Mais vous avez heureusement hérité d’une conscience : elle vous protègera contre la tentation de commettre des actes qui emporteraient une éternelle malédiction.


Jean-Jacques Jugie