Déjeunez, vous êtes taxé


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1er décembre 2011

1.8 milliard. C’est ce que le Trésor attend du relèvement à 7% du « taux réduit » de la TVA, antérieurement fixé à 5.5%, que nos députés ont voté hier dans une ambiance potache. On ne voudrait pas critiquer, mais notre gouvernement joue petit bras sur le coup. Ce n’est pas avec ces misérables recettes supplémentaires que notre pays résorbera rapidement son déficit. Une opération simple permet de résoudre le problème en un tournemain : pour effacer d’un seul coup les 95 milliards, environ, de déficit résiduel, il suffit de porter le taux réduit de la TVA à 84.5% (si notre calcul mental est juste). Et pour préserver le nom de cette taxe sans faire ricaner les populations, on pourrait amener le taux normal à 100%. Avec l’excédent considérable qui serait dégagé, notre dette serait remboursée en trois coups de cuillère à pot ; on pourrait ainsi acheter la Grèce pour y envoyer en vacances permanentes les cohortes de chômeurs supplémentaires que provoquerait la hausse des prix. Car là réside la difficulté de l’exercice : en vertu de la loi de l’équilibre des liquides, plus l’Etat ponctionne, moins le pékin dépense. Sauf à majorer fortement les salaires, et vous avez le Medef sur le dos jusqu’à la fin des temps : ce n’est pas prudent.

Le thème de la TVA est bigrement intéressant dans la théorie de l’impôt. Au cas présent, son relèvement est conditionné à la nécessité, pas à la théorie. Mais une école d’économistes défend, depuis des lustres, le transfert massif de l’imposition sur la dépense. Suppression de l’impôt sur le revenu, qui décourage le travail ; suppression de l’impôt sur les bénéfices, qui pénalise l’initiative ; tout sur la consommation. Un tel système encouragerait la parcimonie, devenue une vertu face à la raréfaction des ressources naturelles ; il favoriserait l’épargne et l’investissement, qui font cruellement défaut aux économies modernes ; il donnerait à chacun des motifs rationnels d’adopter un comportement écolo. Vous verrez, on en reparlera. Voilà pourquoi, dans leur grande sagesse, nos élus ont fini par renoncer aux multiples amendements qu’ils proposaient au relèvement de la TVA réduite. Deux exceptions ont toutefois été retenues. La première concerne les fruits et légumes : on va enfin pouvoir en consommer cinq par jour, comme nous le recommande la Faculté, et renoncer à la crème glacée du dessert – désormais surtaxée. La deuxième exception concerne les cantines scolaires, épargnées par la hausse. On va donc maintenant renoncer aux tables étoilées et revenir à l’école. Le billettiste se souvient avec émotion de ses années de pensionnat : la cuisine y était remarquablement tenue par de talentueux chefs italiens. Finalement, revenir au lycée ne nous ferait pas de mal. On a certes beaucoup appris après l’avoir quitté, mais on a oublié l’essentiel de ce qui nous y a été enseigné…

La recette du jour

La cantine du Chef

Vous êtes restaurateur et la hausse prochaine des taxes vous fait bouillir. Réduisez le feu de votre colère et préparez la sauce de votre prospérité future. Rebaptisez votre Restaurant des Charmilles en Cantine des Ecoles. Exigez de vos clients qu’ils entrent chez vous en rangs et en silence, servez-leur un menu unique et des madeleines de Proust au dessert : ils vont adorer. Et votre TVA sera minorée.


Jean-Jacques Jugie