Loi salique et bombe atomique


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20 décembre 2011

Il est temps d’ajouter quelques pages aux manuels de droit constitutionnel. Pas vraiment pour développer un chapitre sur la « règle d’or  » en finances publiques, qui existe déjà dans l’esprit des textes fondateurs mais dont beaucoup redoutent d’y ajouter la lettre. Sans doute pourra-t-on différer un peu les chamailleries d’experts et l’empoignade des factions politiques, qui accompagnent inévitablement tout projet d’acte chirurgical sur la loi fondamentale. Car nous entrons maintenant dans une courte période de cessez-le-feu général, appelée trêve des confiseurs depuis l’institution du calendrier julien (Jules César adorait les pralines belges). C’est le moment qu’ont choisi nos dirigeants pour faire appel à la générosité de leurs homologues : l’Eurotéléthon vient de réunir 150 milliards de promesses de dons, sur les 200 qu’il faut confier au FMI pour qu’il découvre l’antidote à la maladie orpheline la plus redoutable du siècle : l’impécuniosité souveraine. En dépit du refus grossier des Anglais de cracher au bassinet, bien qu’ils soient eux aussi gravement contaminés, l’objectif devrait pouvoir être atteint. Le plus dur restera à faire : que les promesses de dons soient tenues.

C’est sur un autre terrain qu’il faut faire plancher les constitutionnalistes : les règles de la succession dans les dynasties communistes. Le concept hardi de « dynastie communiste » est d’introduction récente dans le droit constitutionnel. Il concerne en premier lieu Cuba, qui a opté pour la dévolution collatérale avant même que le souverain n’ait trépassé. Il y a ici donation du pouvoir en usufruit, le peuple en conservant ad vitam la nue-propriété (dépourvue de droits, incessible, donc sans valeur). Le deuxième cas concerne la Corée du Nord, qui peut désormais faire valoir une tradition plus ancienne et plus classique, avec une adaptation démocratique de la loi salique : c’est l’un des enfants mâles désigné par le défunt qui accède au trône. Ces deux formes de dévolution sont tolérées par le seul grand pays qui fasse autorité dans l’interprétation de la vulgate léniniste : la Chine, qui choisit pourtant son dirigeant par voie élective (les citoyens désignent la personnalité retenue par le politburo). Pourquoi ce grand écart dans la pratique constitutionnelle ? Cuba : parce que Castro est une icône dans le folklore révolutionnaire. Intouchable par affection. La Corée du Nord : parce que le pays a la bombe atomique. Intouchable par pétoche. Il ne faut guère s’émouvoir de ces entorses manifestes à la morale démocratique. Car en laissant les gens libres d’exprimer leur choix, on s’expose au n’importe-quoi. Voyez par exemple la désignation de « la femme de l’année  ». Vous savez qui est en pole position ? Cette dame qui porte des cornes de renne aussi hautes qu’une Tour Eiffel. Vous voyez qui : l’épouse du célèbre lapin de Sofitel. Pour honorer l’éternel féminin, c’est quand même une drôle d’idée.

La recette du jour

Succession nucléaire

Ce n’est pas que la loi commune vous indispose, mais tout petit déjà, vous n’aimiez pas que l’on vous dise fais ceci, fais cela et tiens-toi droit. Installez un laboratoire dans votre jardin et fabriquez une bombe atomique. Le Code civil, la morale commune et l’évêque de Cantorbéry viendront vous manger dans la main. Et si ça vous chante, vous pourrez tester en faveur de votre lapin.


Jean-Jacques Jugie