Sécu et finance préventive


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5 janvier 2012

Il a fallu de nouveau, ce matin, sortir le chameau de son enclos pour se rendre à l’oasis internet la plus proche. Encore heureux que la météo soit clémente et nous ait épargné la neige ordinaire de la saison : les chameaux n’apprécient pas de chausser des raquettes. Les chameliers non plus. En foi de quoi se sent-on autorisé à accabler notre fournisseur d’accès de toutes les malédictions de la terre : il ne cesse de repousser le calendrier du rétablissement de la ligne. Comme monsieur Boulu, le plombier du capitaine Haddock : « Promis. Je passerai demain. Sans faute ». Et le lendemain, il n’y a personne, vous l’avez compris. Pas davantage le lendemain du lendemain. On aimerait bien proposer au législateur d’introduire, dans ce secteur d’activité, le même principe que celui que viennent d’adopter les médecins : la rémunération au résultat. Assurément une excellente idée, dont l’application sera toutefois beaucoup plus timide que celle qui prévaut sous d’autres contrées, depuis des temps immémoriaux.

On ne se souvient plus quel est le pays concerné, mais il se situe semble-t-il en Asie. Le médecin y exerce son art comme chez nous, sous le statut libéral. Mais il ne perçoit ses honoraires qu’en fin d’année, sous réserve que son patient soit resté en bonne santé. On ne peut trouver méthode plus stimulante en matière de médecine préventive. L’histoire ne dit pas si le pays en cause est doté d’une Sécu, d’un essaim de mutuelles, de la CMU et de la carte Vitale. Mais on en doute. L’histoire ne dit pas non plus quelle est la performance globale de son système de soins : il est toutefois improbable qu’elle atteigne la nôtre. Aucun doute que nous autres Français soyons très bien soignés ; aucun doute non plus que le prix à payer devienne pharaonique. A ce rythme, il faudra bientôt se priver de dîner pour financer l’entretien de notre santé. Sauf à enrayer l’épidémie de bidouillages, pillages et autres tricheries, qui compromet la survie de l’assurance-maladie. Voilà pourquoi notre corps médical a été bien inspiré d’accepter les procédures qui lui ont été proposées : les praticiens auront ainsi des arguments à opposer à ceux de leurs patients qui consomment du médicament comme de la pizza, de l’arrêt-maladie comme du tabac, ou qui mobilisent leur docteur pour avoir quelqu’un à qui parler – vu qu’ils se sont fâchés avec leurs voisins de palier. Personne ne doute de l’existence de petites arnaques ou de grosses truanderies au sein des professions de santé. Mais elles sont plus faciles à éradiquer que les roueries innombrables et quotidiennes des assurés sociaux : victimes de l’aléa moral, Ils tapent sans vergogne dans la caisse laissée ouverte sous leur nez. Si bien que cette merveilleuse invention qu’est la Sécu pourrait être fossoyée par ceux-là mêmes auxquels elle dispense ses bienfaits. C’est malin.

La recette du jour

Gestion de l’aléa moral

Bien que vous soyez généreux avec vos enfants pour leur argent de poche, ils vous détroussent dès que vous avez le dos tourné. Ne compromettez pas votre lien affectif en dénonçant leur forfait. Enfermez votre portefeuille au coffre et la clef du coffre dans le pot de bégonias. Cadenassez le pot dans la serre d’hiver et jetez la clef aux orties. Quand les enfants se seront repentis, appelez un serrurier.


Jean-Jacques Jugie