Le prix de la free-concurrence


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11 janvier 2012

Il ne manque pas d’air, le patron de Free : les Français se seraient « fait avoir » par les opérateurs téléphoniques. Plumer comme des pigeons. Racketter par des forfaits prohibitifs. Vous, on ne sait pas ; mais votre serviteur a, pour l’occasion, exhumé les factures qu’il n’ouvre jamais. Et pu vérifier que la fidélité à son opérateur lui vaudra peut-être une médaille, mais lui a coûté un bras. Pour un usage homéopathique de son mobile, qui présente l’inconvénient de la mobilité : quand on finit par lui remettre la main dessus après des heures de recherche, on ne se souvient plus à qui on voulait parler. Donc, monsieur Free a raison : ça fait cher pour ne pas téléphoner. Finalement, il est peut-être opportun de renoncer à un service indispensable dans la catégorie du superflu, et renouer avec la tradition épistolaire qui a fait le renom de notre pays au siècle des Lumières : pour le budget d’un abonnement, on peut expédier cinq à six lettres par jour. Que les correspondants pourront lire au moment qui leur conviendra le mieux, au lieu d’être dérangés par le téléphone quand ils sont dans leur bain – comme le capitaine Haddock, qui eut pourtant le bonheur de vivre avant l’ère de la téléphonie mobile.

Il n’y a rien de bien extravagant dans cette affaire, qui provoque un buzz plus intense que si une chaine de boulangerie proposait soudain la baguette à moitié prix. Il en va ainsi de toute avancée technologique : quand son usage se généralise, l’écrasement des coûts devient spectaculaire, le prix de revient marginal du produit dérisoire et les marges d’exploitation hypercaloriques. Du pain bénit pour la concurrence, qui essaie alors de tailler des croupières aux pionniers qui ont investi un max dans leur activité. Avec le mobile, les nouveaux opérateurs sont quand même obligés de disposer des relais appropriés, ce qui n’est pas aussi facile qu’il y paraît (les autochtones sont las de voir pousser des antennes comme des bolets Satan). Il leur faut donc négocier un droit de passage chez les premiers occupants qui, apparemment, acceptent encore un deal sonnant et trébuchant. Heureusement pour nous, consommateurs. Car lorsque la loi se mêle d’organiser la concurrence, les résultats sont plutôt mitigés. Voyez l’électricité, par exemple : les nouveaux entrants sur ce marché ne disposent d’aucun réseau et ne produisent pas nécessairement du courant. Voyez le ferroviaire : les nouveaux transporteurs n’ont jamais posé un rail et ne possèdent pas forcément la moindre locomotive. Dans ces deux cas, les professionnels historiques sont obligés de concéder leurs installations et de vendre en gros leurs produits et les droits de circulation sur leur réseau. La concurrence s’est installée mais le prix de l’électricité et celui du billet de train continuent d’augmenter. Finalement, le régime des monopoles était plutôt cool. Va comprendre, Charles.

La recette du jour

Emincé d’impôts

Vous avez été nourri au biberon de la concurrence. Depuis qu’elle s’est intensifiée, vos factures ne cessent pourtant d’augmenter. Sauf celles des produits dont la qualité se détériore ou des services qui sont superflus. Ne renoncez pas à vos croyances et exigez l’abrogation de tous les monopoles. Notamment celui de l’administration fiscale : les services publics s’étiolent alors que leur prix explose. Vous vous faites avoir.


Jean-Jacques Jugie