Le risque du cumul systémique


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17 janvier 2012

Ah, le cumul des mandats ! Bien sûr que c’est un problème. Pas vraiment dans le monde politique, où les élus exercent principalement une fonction de représentation. Il leur suffit de recruter une secrétaire efficace pour coordonner les réunions, les commémorations, les inaugurations et les pince-fesses, et ils peuvent assumer plusieurs mandats sans perturber l’ordre des choses. Non, le problème concerne les fonctions qui emportent nécessité d’un vrai travail. Voyez par exemple le machin de prime importance qui a été mis sur pied voilà un peu plus d’un an, pour faire face aux difficultés des temps : le Centre européen du risque systémique (Cers). Ce n’est pas une rigolade, le risque systémique. Voilà pourquoi les membres de ce Centre sont les gouverneurs des banques centrales de l’Union, avec pour président celui de la BCE, et deux ou trois pèlerins supplémentaires pour faire un compte rond. D’accord, tous ces gens se réunissent déjà, et assez souvent, dans le cadre de leurs fonctions principales. Mais pour parler d’argent, pas du risque lié à l’argent. L’ennui, c’est que lorsqu’ils se retrouvent au sein du Cers, ils oublient leurs préoccupations de banquiers centraux. Et vice versa. La main droite ignore ce que fait la gauche.

Voilà pourquoi Mario Draghi, récent président de la BCE et ancien président de la Banque centrale italienne, a surpris son monde hier en intervenant devant le Parlement européen. Sous sa casquette de président du Cers, il a avoué que « Nous sommes dans une situation très grave, il ne faut pas se voiler la face ». Pourquoi ? Parce que « dans les tout derniers mois de 2011 », les « incertitudes  » ont débouché sur de «  sérieuses perturbations du fonctionnement normal des marchés financiers  ». Incroyable, non ? Les perturbations en cause sont pourtant notoires pour les banquiers centraux depuis plus de trois ans. Mais le Cers n’était pas encore constitué, voyez-vous : pas de Centre ad hoc, pas de risque systémique. Nos technocrates sont des gens organisés : il leur faut une entité spécialisée pour aborder chaque problème. On doit donc regretter que n’ait pas été mis en place un Centre du risque grec. Car la situation, à Athènes, continue de pourrir au rythme que nous avons pronostiqué dans ces colonnes depuis déjà longtemps. Et la Grèce s’achemine gentiment vers un défaut aussi prévisible que Noël en décembre. Dommage que le suivi du dossier ait été confié aux banquiers centraux, et pas aux membres du Cers. Mais les mêmes ne peuvent pas être partout à la fois, n’est ce pas ?

La recette du jour

Casquettes de débiteur

Vous devez un gros paquet à vos banquiers et vous ne pouvez pas les rembourser. Quand ils vous convoqueront, présentez-vous comme responsable de la dépense. Et à ce titre non concerné par les emprunts. Avertissez vos créanciers de la mise en place prochaine d’un Centre du risque de signature. Dès que vous en serez élu président, vous viendrez parler du remboursement.


Jean-Jacques Jugie