Un os dans la logistique


Blog


30 janvier 2012

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Le poète en rajoutait peut-être un peu dans le romantisme. Mais s’il était notre contemporain, Lamartine pourrait appliquer son observation à la logistique. Un peu partout en Europe, le dérèglement des transports provoque des perturbations cataclysmiques. En Italie, par exemple, le plan Monti cristallise la rancœur de plusieurs corporations concernées par la tornade de libéralisation. Si la grogne des pharmaciens et des assureurs n’emporte pas trop de désordres, celle des transporteurs et des pompistes paralyse le pays. Plus de produits frais dans les rayons, d’autant que les agriculteurs et les pêcheurs sont entrés dans la danse. Comme les poids lourds bloquent de grandes artères de circulation, nombre d’Italiens ne peuvent se rendre à leur travail. Un seul camion vous manque et tout est dépeuplé : les usines, les écoles et les supermarchés. Et pas question de prendre un taxi, ils sont en pétard aussi. Tandis qu’à Luxembourg, ce sont leurs clients qui sont mécontents : les tarifs sont prohibitifs, les taxis se conduisent comme des gougnafiers et conduisent comme des pieds. A tel point que les banquiers sont mieux considérés. C’est dire.

La situation promet d’être pire encore aujourd’hui en Belgique, où les syndicats ont programmé une grève générale. On ne sait encore jusqu’à quel degré de paralysie sera conduit le pays, mais il semble d’ores et déjà illusoire de prendre le train. Quant à l’avion, n’y songez même pas : l’aéroport de Bruxelles ne fonctionnera pas. Ou alors très mal. C’est bien ennuyeux, voyez-vous, car doit se tenir ce lundi à Bruxelles un sommet de prime importance. Si bien que les avions des chefs d’Etat et de gouvernement vont devoir être déroutés sur la base militaire de Beauvechain, qui n’est pas tout-à-fait la porte à côté. Une avalanche de dépenses supplémentaires pour un sommet qui a pour objet d’institutionnaliser une stricte discipline budgétaire : voilà un pied de nez du destin que ne manqueront pas de relever les esprits chagrins. On a donc une pensée affectueuse pour les autorités de l’Union, qui ont déjà eu un week-end chargé : Davos, sans avoir eu le temps de skier. Mais au moins en Suisse, les avions se posent et décollent à l’endroit prévu et à l’heure programmée. Ce n’est pas pour rien que les Suisses sont les champions de l’horlogerie : ils sont obsédés par la ponctualité. Voilà peut-être ce qui explique pourquoi ils ne sont pas entrés dans l’Union : depuis le temps que l’Europe est en chantier, ses fondations ne sont toujours pas achevées.

La recette du jour

Sommet écologique

Vous êtes dirigeant européen et bien conscient que le climat social est partout en train de se dégrader. Renoncez aux réunions, symposiums et autres sommets qui vous obligent à vous déplacer : vous n’êtes plus certain que votre avion pourra se poser. Optez pour la conférence téléphonique : c’est écolo et le prix des forfaits a beaucoup baissé. Et au téléphone, on ne risque pas de mauvais coup à se chamailler.


Jean-Jacques Jugie