Le berger grec à la tonte


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6 février 2012

Vous verrez que bientôt, l’Europe entière comprendra la position rigoureuse de l’Allemagne à l’égard de la Grèce. Chacun la comprendra et tout le monde l’approuvera. Car le temps qui passe n’améliore pas la réputation du pays en matière de gestion publique. Même lorsque ce sont des tiers qui rédigent les procédures appropriées. Voilà peu, le ministre du Développement avouait, sur un plateau de télévision, qu’il avait signé sans le lire le mémorandum de la troïka, celui qui impose au pays des conditions draconiennes pour mériter son « sauvetage ». Car selon la narration du Monde, il avait au même moment « d’autres obligations  » impérieuses, comme celle de « combattre la délinquance  ». Par Zeus ! Si le ministre du Développement est en charge de la délinquance, quelles sont donc les attributions de ses collègues de l’Intérieur et de la Justice ? Ce n’est pas un gouvernement, mais une pétaudière. Avant de faire embastiller le pays dans les geôles spartiates des créanciers, il aurait pu au moins confier la lecture du mémorandum au ministre de la Culture, qui est probablement en charge du grand banditisme international dans cette organisation homérique qu’est le gouvernement grec. Et qui ne doit pas être surchargé en ce moment, puisque le spectacle se fait spontanément dans la rue, grâce aux subventions prélevées sur le budget militaire.

Mais peut-être le ministre surbooké donnait-il alors un coup de main à son homologue du Trésor, dans le combat indispensable contre la délinquance économique. Car il est notoire que les contribuables grecs se montrent très négligents dans leurs obligations déclaratives. Et tout aussi négligents dans le paiement des impôts qui ont été notifiés. Voilà pourquoi le ministère concerné a décidé de frapper un grand coup : publier chaque année la liste des mauvais payeurs pour qu’ils se tapent la honte et crachent leur mauvaise conscience au bassinet. Cette année, l’addition des retards représenterait la bagatelle de 30 milliards d’euros, alors qu’il ne manque que la moitié de ce montant pour boucler le fameux plan susceptible de sortir la Grèce de l’ornière. Enfin, jusqu’à la semaine suivante, au moins. A la lecture de cette liste d’infamie, les observateurs n’ont pas manqué de relever quelques criantes anomalies. L’un des plus gros débiteurs serait en effet un vieux berger crétois, propriétaire d’un cheptel considérable de… 50 têtes. Par le jeu d’amendes et autres pénalités de retard astronomiques sur sa modeste dette ancienne, ledit berger devrait aujourd’hui plus de 10 millions d’euros au Trésor. Ça fait cher de la peau de mouton. Il en résulte un doute raisonnable sur la sincérité des services fiscaux grecs. Qui auraient dû consulter le ministère de l’Agriculture avant d’établir leurs avis d’imposition : pour garantir le développement du pays, ce sont les moutons qu’il faut tondre. Pas les bergers.

La recette du jour

Régime crétois

Vous êtes décidé à renoncer à la vulgarité de la civilisation consumériste. Et à adopter un mode de vie austère, rustique et parcimonieux. Devenez berger en Crète. Pour votre sécurité, prenez soin d’expédier aux services fiscaux le produit de votre tonte, lors de votre rendez-vous annuel avec le barbier. Vous économiserez ainsi un rappel d’impôts de 10 millions d’euros.


Jean-Jacques Jugie