Décote olympique


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15 février 2012

La classe politique du monde entier semble s’être convertie aux usages de la cour de Louis XIV. Les gouvernements vivent dans l’angoisse de déplaire au monarque planétaire, une entité quadricéphale mi-humaine et mi-divine appelée « Agences de notation ». On mesure ses froncements de sourcils, on ausculte ses soupirs, on espionne son Cabinet, on décortique ses saillies, on glose sur ses « perspectives », on redoute ses sentences. Jamais dans l’Histoire les Etats dits souverains ne se sont soumis avec une telle pleutrerie à une autorité apatride, au point de sacrifier leurs populations aux ukases d’un machin qui dicte les évangiles des marchés. Contrairement aux apparences constitutionnelles, le gouvernement mondial existe déjà, bien qu’il ne soit représenté par personne en particulier ni ne dispose d’aucun siège identifié. C’est en quelque sorte le triomphe posthume des élucubrations romanesques de George Orwell : Big Brother est devenu une réalité.

Pour être dépourvues de toute humanité, les décisions des Agences ne transpirent pas pour autant une parfaite rationalité. Dans la catégorie de l’upper class des Triple A, assortis ou non d’une « perspective négative  », figurent des aristos qui capitalisent sur leur réputation, comme les Etats-Unis, ou exploitent des expédients, comme la Grande-Bretagne. En dépit d’un cumul de dette, privée et publique, propre à faire rougir de honte le plus insouciant des paniers percés, l’Angleterre doit le maintien de sa note prestigieuse à l’entrain de sa Banque centrale dans l’activation de… la planche à billets. Comprenne qui pourra. Mais sans doute Londres attend-elle les dividendes généreux des investissements pharaoniques qu’elle a dû consentir pour devenir capitale olympique cet été. On l’espère pour elle, sans y croire vraiment : les contre-exemples sont légion. Comme la Grèce, par exemple, qui ne digèrera jamais le coût des Jeux de 2004. Voilà pourquoi Monti vient de jeter l’éponge : Rome ne sera pas candidate en 2020, en dépit des récriminations internes que suscite la décision. Pour sauver le pain des Italiens, le président du Conseil préfère supprimer les Jeux. C’est raisonnable, Mario. Mais une telle option ne pas arranger les affaires de l’industrie financière britannique : les bookmakers avaient massivement parié sur la victoire de Rome et vont donc se faire déchirer dans l’arène. Voilà qui pourrait compromettre l’avenir de la note de Sa Très Gracieuse Majesté.

La recette du jour

Le pain sans les Jeux

Vous avez mené une carrière somptuaire au sein du Comité international olympique. Ne vous accrochez pas à votre fauteuil : le devenir des Jeux est en question, vu ce que coûte leur organisation. Grâce à vos substantielles économies, créez le Comité international de la boulangerie. C’est l’opportunité d’investir vos pots-de-vin dans l’avenir du pain.


Jean-Jacques Jugie