ATD sur le Trésor grec


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21 février 2012

Il y avait donc une fumée blanche au-dessus de l’Acropole, un peu avant le lever du jour. Après une nuit entière de tractations et de salamalecs, dont on connaîtra sans doute une partie du contenu dans la journée, le dossier grec est considéré comme bouclé. Pour les huit prochaines années, nous dit-on. Enfin, au moins jusqu’au 14 mars, date de la prochaine grosse échéance du pays. Pour donner un caractère novateur au plan ainsi ficelé, la communication se fait désormais sur un gros chiffre : 350 milliards. Lequel inclut les 110 milliards déjà prêtés depuis un moment, les 130 milliards que l’Europe se proposait d’allouer et les 100 milliards déjà convenus de réduction de la dette ancienne, dans les mains des « créanciers privés ». Restent 10 milliards dans le rôle du raton laveur ou dans celui de pourboire, on ne sait exactement, ou bien crédités au compte virtuel pour obtenir un arrondi plus percutant. Vous observerez que la masse en cause, qui mélange la chèvre de nouveaux prêts et le chou d’abandons de créances, est supérieure au total de l’endettement qu’affichait la Grèce au début de la crise. Toute cette agitation a ainsi contribué à aggraver l’état du patient, sans pour autant garantir que la nouvelle potion permettra son rétablissement aux calendes nationales : chacun espère modestement que la rémission se poursuivra jusqu’au sommet européen du mois prochain.

Quel est donc le facteur qui a permis la signature d’un accord jusqu’ici impossible ? A potron-minet, l’heure de la rédaction de ce billet, les agences n’ont encore diffusé que des notes faméliques. Mais il est permis d’en dégager l’esprit. Ce qui bloquait, c’était le refus grec de passer sous tutelle de l’Europe. Il semble que l’on ait contourné la difficulté en permettant à Athènes de sauver la face : l’Etat grec alimentera un compte sur lequel les créanciers ont obtenu un ATD, un avis à tiers détenteur, comme celui que vous colle notre administration fiscale quand elle perd son maigre capital de patience dans le recouvrement des sommes qui lui sont dues. Ce n’est donc pas une « tutelle » consensuelle qui est infligée à Athènes, mais une ponction directe sur les revenus de l’Etat, qui seront affectés en priorité aux créanciers. Une saisie-arrêt qui ne laisse pas, dans les mains du débiteur, les revenus nécessaires à son minimum vital. Si nous ne faisons pas de contresens dans l’analyse de l’accord, se trouve alors démontré, une fois de plus, l’adage selon lequel l’homme n’apprend rien de son expérience. Car tous les usuriers de la Terre savent, depuis toujours, qu’il ne faut jamais condamner à mort un débiteur défaillant : c’est le meilleur moyen de perdre définitivement tout son fric.

La recette du jour

Capital d’estime

Vous avez imprudemment prêté beaucoup d’argent à votre voisin, qui gère ses affaires avec une désinvolture inguérissable. Son incurie et sa mauvaise foi vous tapent sur les nerfs, ce qui est bien compréhensible. Mais il faut vous faire à l’idée que vous allez trinquer. Ne coupez pas les vivres au débiteur : ventre affamé n’a pas d’oreille. Vous perdriez alors tout votre capital et le peu d’estime dont vous crédite encore l’opinion publique.


Jean-Jacques Jugie