La controverse du steack


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23 février 2012

La science permet de régler bien des problèmes qui empoisonnent notre quotidien. Voyez par exemple l’abattage des animaux, qui s’est introduit sur l’étal de la campagne présidentielle. Une juste cause : la tuerie des bovins soulève déjà le cœur des amateurs de côte à l’os, et il faut bien reconnaître que la certification « halal » impose des procédures encore plus barbares. Ne serait-ce qu’au nom de la reconnaissance du ventre, notre espèce témoignerait de son humanité en épargnant aux animaux des souffrances inutiles. Mais en attendant que l’on soit capable de bricoler un nouveau sapiens qui carburera à l’air du temps, sans avoir besoin de se mettre à table, nous avons besoin des protéines animales pour devenir et rester ce que nous sommes : des êtres merveilleux, débordants de santé, d’intelligence, d’amour, de sagesse et de compassion. Des qualités uniques sur cette planète, qui ne sauraient se développer avec une nourriture exclusivement constituée de poireaux-vinaigrette et d’endives à la béchamel (beurk).

Heureusement, les laboratoires ne chôment pas. Nous seront bientôt capables de produire à la chaîne des protéines animales, sans qu’il soit nécessaire d’élever des bestiaux ni de les sacrifier. Des expériences concluantes avaient déjà abouti à la fabrication de « viande » de dinde, par multiplication de cellules-souche du volatile sur des carapaces de crabe. Il en résulte un machin nutritif qui n’a probablement pas plus le goût de poisson qu’une dinde d’élevage industriel, mais qui épargne les innombrables inconvénients de l’élevage. Et de l’abattage, bien sûr. Nous voici maintenant parvenus à une nouvelle étape : le hamburger en cellules-souche, c’est pour demain. Car voyez-vous, les bovins sont devenus un fléau pour l’humanité, en dépit de leur saveur incomparable. Ils monopolisent des surfaces considérables de pâtures, consomment des torrents de flotte et rotent des ouragans de méthane, avec leur façon ridicule de digérer. Une vraie cochonnerie, ces bovidés. Bref, ils privent l’agriculture de terres arables, siphonnent nos nappes phréatiques et polluent notre atmosphère, provoquant le réchauffement climatique par émission de gaz à effet de serre. Mais tout ça va changer. Bientôt, les étables de nos campagnes seront remplacées par des labos. Où l’on cultivera du steak dans des tubes à essais. Un cocktail d’hormones, d’agents de croissance, d’acides aminés, de molécules énergétiques, d’antibiotiques et de poudre de perlimpinpin. Une seule vache suffira à fournir la matière première : elle sera traitée comme une reine dans sa ruche. Le calvaire des bovins est donc en passe de prendre fin. Mais nous autres hominidés, nous allons déguster.

La recette du jour

Elevage moderne

Vous avez toujours rêvé d’une vie pastorale. Un pavillon de banlieue et un jardinet suffisent désormais à combler vos vœux. Enfermez une vache dans la remise : elle assurera le chauffage au méthane. Prélevez-lui de temps en temps quelques cellules que vous cultiverez en pots, à la place des géraniums. Vous deviendrez ainsi agriculteur écolo et boucher halal.


Jean-Jacques Jugie