Rome et l’impôt


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4 mai 2012

On connaît depuis longtemps quelques spécialités inimitables de l’Italie : les pâtes, les Borgia, la truffe d’Albe, le berlusconisme et l’économie souterraine. Certaines sont essentiellement saisonnières, comme la berlusconite, une affection qui s’attrape comme le « mal français », par luxure, et se soigne de même, par de puissants antibiotiques. D’autres spécialités sont assez capricieuses, comme la truffe blanche : sa rareté la rend aussi coûteuse que les indulgences autrefois dispensées par les papes Borgia aux bourgeois peccamineux. Mais ce qui demeure constant, c’est l’appétence des Italiens pour le free tax de l’activité au noir, que cette dernière résulte de métiers honorables ou de pratiques que la loi et la morale réprouvent. On comprend, dans ce contexte, que l’administration fiscale transalpine ait dû développer des moyens sophistiqués pour lutter contre de méchantes habitudes qui coûtent, de notoriété publique, un sacco di soldi au Trésor italien.

On découvre ce matin, dans la presse luxembourgeoise, une révélation renversante des services fiscaux romains. La martingale qui leur permet de mettre la main au collet des gros fraudeurs, ceux qui oublient de soumettre à l’impôt leurs revenus d’émirs du pétrole. La police financière nous explique que lesdits contrevenants sont « incités à la fraude par le mirage de l’argent facile  » et leur obsession maladive pour la possession d’objets de luxe. A quoi reconnait-on un mauvais contribuable italien ? On vous le donne en mille : c’est celui qui achète toute une écurie de Ferrari, Maserati et autres Lamborghini, au nom de sa vieille maman qui n’a jamais passé son permis de conduire et qui vit retirée dans une maison de retraite toscane. Ainsi aurait été confondu un promoteur immobilier de Pérouse, plusieurs fois arrêté pour excès de vitesse en centre-ville, à bord de bolides luxueux supposés appartenir à sa mère. Incroyable, non ? L’administration fiscale a aimablement prévenu les tricheurs : acheter de grosses bagnoles au nom de membres de la famille ne trompe pas les agents du fisc. Ou plus exactement, ne les trompe plus : apparemment, il y a désormais un fichier informatisé des cartes grises. Nul doute que l’activité criminelle va s’en trouver bouleversée et que les parrains de la mafia, pour éviter de se faire repérer, vont maintenant circuler à cyclomoteur. Ou se terrer chez eux.

La recette du jour

Alibi fiscal

Vous êtes affligé d’une aversion maladive pour l’impôt, ce pourquoi vous avez installé vos activités à Rome, paradis de l’indulgence fiscale. Mais attention, les temps ont changé : les services fiscaux italiens se sont modernisés. Afin de justifier les 20 millions que vous avez claqués pour les Joueurs de cartes de Cézanne, vous ne pourrez pas invoquer avoir pioché dans la tirelire de votre petit-fils. Dur.


Jean-Jacques Jugie