Mon royaume pour un melon


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18 mai 2012

Si vous devez faire votre marché ce matin, évitez celui de Sapporo. Oui, Sapporo au Japon. Oui, ce Japon-ci (celui de l’hémisphère nord). Figurez-vous que la vie y est atrocement coûteuse. Voyez par exemple hier : une paire de melons de Yubari y a été adjugée 1 million de yens, soit pas loin de 10.000 euros. D’accord, ce sont les premiers melons de la saison, et ils sont splendides. Mais tout de même : à ce tarif, il faut à nos nouveaux ministres claquer un mois de salaire pour acquérir un seul des quatre fruits et légumes recommandés quotidiennement par la Faculté. On ne voudrait pas critiquer ce nouveau gouvernement, qui n’a encore rien fait de mal, mais la réduction des salaires risque de nous donner des ministres anémiés et souffreteux.

Encore que personne ne soit obligé de consommer du Yubari. Lequel n’est jamais qu’un hybride de cantaloup, très commun en France depuis la Charente jusqu’à Cavaillon, bien qu’il soit issu, selon la mythologie de Vilmorin, des jardins que le Pape possédait dans le village de Cantalupo, en Ligurie. Le Yubari est ainsi abondant et commun, si bien que son prix échappe aux règles occidentales et nippones de la « loi de l’offre et de la demande ». Sa valeur est plutôt régie par les lois de la mercatique. Figurez-vous que Yubari est une ancienne ville minière, qui tenta sans succès de se reconvertir au tourisme : elle en tira un exode considérable et des dettes monstrueuses. Mais elle se refit une image grâce aux gens de pub, qui découvrirent que la ville avait le taux de divorce le plus faible du Japon. Et qui inventèrent un gentil personnage, le Yubari Fusai, qui a été en son temps Lion d’Or au Festival de la publicité de Cannes. Petite note linguistique : en japonais, Fusai signifie à la fois « dette » et « couple marié », un double sens redoutable qui explique peut-être le taux de divorce élevé du pays. En tout cas, voilà quelques années, les mêmes publicitaires eurent l’idée de promouvoir le melon local, déjà très apprécié au Japon, au service du remboursement de la dette de Yubari. Et ça marche. Voilà une technique d’amortissement des emprunts que les Grecs, et bien d’autres Européens, pourraient importer avec profit…

La recette du jour

Prime aux primeurs

Vous dirigez une collectivité et vous êtes confronté, comme tous vos collègues, à une dette excessive. Faites appel à Beacon communications, une célèbre agence de publicité de Tokyo. Qui vous refera le coup du melon de Yubari. Si vous êtes de Montélimar, par exemple, vous pourrez vendre aux enchères les premiers nougats-primeurs de l’année. Bien joué, monsieur le Maire.


Jean-Jacques Jugie