L’Europe feignasse


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19 juin 2012

Connaissez-vous Gianfranco Polillo ? Si la réponse est non, vous n’allez pas tarder à découvrir le secrétaire d’Etat italien à l’Economie du gouvernement Monti. Qui s’est déjà taillé une réputation enviable dans son pays. Pour sa proposition novatrice visant à doper la croissance : il suggère de supprimer une semaine de congés payés, ce qui est supposé augmenter de 1% le PIB du pays. Selon ses propres termes, les syndicats « ne seraient pas opposés à cette hypothèse », à tout le moins les membres les plus « réformistes » des organisations concernées. Il est quand même permis de douter que les salariés se montrent spontanément aussi réformistes, monsieur le Secrétaire d’Etat, sans vouloir vous offenser. Mais cela ne signifie pas pour autant que votre suggestion soit absurde ni que vos calculs soient erronés.

« Nous travaillons en moyenne neuf mois par an et je pense que c’est désormais trop peu » ajoute Polillo. « Parle pour toi », répondent ses détracteurs, admettant qu’un tel calendrier ne peut concerner que les « bureaucrates », pas ceux qui «  ne peuvent même pas se permettre de partir en vacances  ». Il est bien possible que les deux points de vue soient fondés. Dans l’industrie, la robotisation a supprimé quantité de postes. Mais dans les services, dont la part ne cesse de croître dans la formation du PIB, la présence humaine est souvent irremplaçable. Vous en savez quelque chose, ne serait-ce que pour joindre votre correspondant bancaire : quand elle n’est pas occupée, sa ligne sonne dans le vide. Et sa messagerie électronique vous avise alors de son absence prolongée. Neuf mois de travail par an ? Vous en doutez pour une raison simple : votre correspondant ne prend pas ses vacances en même temps que vous. C’est le syndrome du capitaine Haddock, dérangé par le téléphone alors qu’il fait sa toilette : « Est-ce que je téléphone aux gens quand ils sont dans leur bain, moi  ? » tonne-t-il. Non, Capitaine. Une société idéale soigne son PIB : il y a toujours quelqu’un au bout du fil. Le matin, le soir, la nuit et les jours de fête. Faites le test au ministère de l’Economie italien. Vous verrez bien.

La recette du jour

Le PIB et la santé

Vous êtes ministre de l’Economie et vous venez de découvrir la roue : quand il se repose, le pékin ne produit rien. Réduisez à quatre heures par nuit la durée légale du sommeil et à quatre jours par an les congés payés. Gavez les populations d’antidépresseurs et de vitamine C. Vos concitoyens deviendront zinzins mais votre PIB pètera la santé.


Jean-Jacques Jugie