Louée soit la Roja


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2 juillet 2012

Le pékin n’est pas le seul à subir les effets de ce syndrome déroutant, qui est à-peu-près la seule caractéristique commune aux citoyens de l’Union européenne : le chauvinisme sportif. Comprenons par là que ce qui fédère nos populations hétérogènes, c’est le désir impérieux, constant et permanent, de coller une raclée à l’équipe de ses frères en Europe. Bien sûr, cela ne signifie rien quant à l’intensité de l’affection partagée : on a connu des couples d’une stabilité remarquable, qui ne pouvaient s’empêcher de briser chaque semaine un peu de vaisselle, pour la plus grande prospérité des porcelainiers de Limoges. Nos gouvernants, qui sont eux-aussi faits de chair et d’os, sont sensibles à l’aura que confère la victoire des footeux. Et dame Merkel, pourtant faite, selon la légende, de chair et d’acier de la Ruhr, aurait fondu face à l’autorité hispano-italienne sur le tapis gazonné. La Roja et la Squadra sont ainsi parvenues à conférer à leurs politiques l’audace nécessaire pour négocier nuitamment leur liberté conditionnelle. Voilà ce qu’il en coûte, Angela, de mettre plus d’argent dans l’industrie que dans le spectacle ballonné.

Il serait dommage à ce stade, si l’on ose dire, que les pays du Sud ne tirent pas plus de bénéfices de leurs avantages comparatifs. Si l’on en croit les données historiques, les grandes victoires des équipes nationales provoquent dans le pays un sursaut de l’activité économique. Maintenant qu’il est acquis que l’Espagne va se refaire une santé, il serait opportun que Madrid exploite efficacement son filon sportif. Louanger son équipe de foot ne rapporte que du réconfort ; la louer à des nations dans le besoin ne ternirait pas son orgueil, mais améliorerait singulièrement ses finances. Dès lors qu’un succès du maillot national provoque une hausse non négligeable du PIB, on a une petite idée du loyer qui pourrait être pratiqué. En dépit de son échec cuisant en finale, Rome pourrait quand même mettre sa Squadra sur le marché : on connaît un paquet de nations qui paieraient davantage qu’un plat de pâtes pour en disposer. Et la France ? Quoi la France ? C’est un pays normal, la France, qui a tout juste les moyens d’entretenir ses onze boiteux. Et qui n’est pas concernée par cette obsession coûteuse et maladive de la victoire. C’est le pays de Coubertin, la France : l’important pour elle, c’est de participer. Non mais.

La recette du jour

Codes éducatifs

Il faut enfin que vous décidiez d’adopter les codes du monde nouveau. Vos aïeux se faisaient un devoir d’orienter leurs premiers enfants vers l’armée et la religion. C’est fini, tout çà. Désormais, vous devez les acclimater aux métiers du football et de la politique. Le troisième sera formaté aux règles du business : il pourra ainsi gérer les affaires de ses aînés.


Jean-Jacques Jugie