La BCE en Ponce Pilate


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6 juillet 2012

Il devient sacrément compliqué, le métier de banquier central. Oh, pas pour les raisons que vous soupçonnez et qui relèvent de la technique. Comme la réponse à cette question : connaissant la situation dans laquelle on se trouve, et compte tenu de l’espoir partagé de ne pas y rester trop longtemps, à quel niveau faut-il fixer les taux directeurs ? Les modèles économétriques sophistiqués, imbibés de monétarisme militant et gavés de statistiques fraîchement cueillies, vous donnent la solution à la décimale près. Enfin, une solution. Voilà encore quelques années, ça marchait. Enfin, plus ou moins, sans que l’on sût véritablement pourquoi. Mais les agents économiques créditaient la Banque centrale d’un savoir supérieur au leur, et du pouvoir de transformer les citrouilles en carrosses. Ainsi, la confiance dans un avenir maîtrisé redonnait aux uns et aux autres du cœur à l’ouvrage. Ils reprenaient gaillardement leur train-train ordinaire et les vaches étaient bien gardées.

Aujourd’hui, il semble bien que seuls les journalistes aient encore la foi en l’ordre ancien. Le Figaro commente ainsi la réaction négative des Bourses à l’annonce de la BCE : la baisse du taux directeur (de 25 centimes à 0,75%) témoignerait des craintes du Banquier central quant aux perspectives économiques de l’Union. Comme si les milieux boursiers étaient jusqu’alors ignorants d’une tendance que tous les organismes de prévision ont déjà identifiée, et que même votre concierge a repérée du fond de sa loge. Que la déprime soit installée et que les politiques publiques tendent à l’aggraver, tout le monde le sait déjà. Les milieux financiers ont été fâchés pour une autre raison : Mario Draghi n’a manifesté aucune intention de poursuivre les mesures dites « non conventionnelles ». Celles consistant à allouer aux banques des tombereaux de liquidités quasi-gratis, ou de ramasser sur le marché des brassées d’obligations souveraines dont personne ne veut à un prix raisonnable. Celles qui permettent à un système déglingué de poursuivre sa fuite en avant. La décision d’hier de la BCE revient pourtant (presque) au même : avec de la ressource moins chère, les banques commerciales vont pouvoir empiler dans leur bilans des cathédrales d’emprunts d’Etat, au lieu de laisser dormir leur trésorerie dans les coffres-forts électroniques de Francfort. Pour les y encourager, l’Institut d’émission a ramené à zéro la rémunération de leurs dépôts. Il revient donc aux banques de mouiller la chemise. Et de pourrir leur signature. La BCE a rendu un verdict à la Ponce Pilate.

La recette du jour

Confiance au combat

Vous êtes un général d’armées célébré pour votre bravoure et toujours sorti victorieux de vos nombreux combats. N’abandonnez pas la stratégie à vos fantassins : tout le monde comprendra que vous n’avez plus la baraka.


Jean-Jacques Jugie