A cup of poison tea


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11 juillet 2012

Il y a des jours où l’on est bien content de ne pas être président de la République. Presque tous les jours, pour être franc : si elle est prestigieuse, la fonction n’en est pas moins une litanie d’obligations assommantes. Hier, par exemple, notre Président était en Angleterre. Bon d’accord, il y a sans doute pire pays pour un Français que la perfide Albion. Enfin, on le suppose. Encore que ce ne soit pas tout-à-fait sûr. Mais admettons. Voilà en gros le programme : d’abord, prendre une chope avec Cameron à l’heure de la sieste. Passe encore de devoir endurer un Prime minister assez butor pour oublier sa fille dans les bistrots, et assez canaille pour montrer son tapis rouge aux hommes d’affaires français : à Londres, le business ne se fait pas dans la dentelle. Mais s’envoyer une Guinness juste sur la digestion, voilà une épreuve que l’on ne souhaite pas à son pire ennemi. Et dans la foulée, la cérémonie du thé avec Elisabeth. Rien à dire : la Reine est charmante. Mais elle a une prédilection pour cette horreur de thé au jasmin, qui a déjà failli décimer une cohorte de présidents français.

Il y a des jours où l’on aimerait bien être la Reine d’Angleterre. Non que l’on jalouse ses chapeaux, qui sont de l’avis unanime très… enfin, comment dire, vous les connaissez : typiquement élisabéthains. Entendons par là que personne d’autre qu’Elisabeth ne se hasarderait à les porter. On n’est pas davantage envieux de ses résidences somptueuses : elles sont en réalité d’une taille invivable. A Windsor, ne vous hasardez pas à oublier votre GPS si vous allez aux toilettes. Non, ce qui est plaisant au Palais de Buckingham, c’est de pouvoir maintenir la tradition d’une inimitié vénéneuse avec les Français, sous l’onction policée de la royale fonction. Inviter le Président à bavasser comme une concierge du temps qu’il fait, quand notre pays connaît un été aussi pluvieux qu’un automne anglais ; le faire s’enquérir des royales santés comme un palefrenier : « Comment va votre mari ? » aurait demandé le Président. Alors que le protocole requiert la formule : « Comment va le Prince Philip ? ». Même les femmes de chambre londoniennes ont été choquées. Et pour punir la muflerie d’un élu du peuple qui vous a perfidement amené un bibelot bariolé en nougat de Sèvres, vous lui offrez votre propre portrait sur papier recyclé. Pour lui démontrer, avec une icône sans valeur, que la monarchie britannique affiche une longévité bien supérieure à celle de la démocratie partageuse des régicides français. Sacrée Babeth !

La recette du jour

Ma sérénité pour un cheval

Vous êtes las des tracas incessants que vous impose la vie des affaires ; épuisé des vacheries que vous inflige la concurrence ; meurtri des blessures financières dont vous estoque la gent politique. Renoncez au business et foulez le tapis déroulé par Cameron. Devenez palefrenier d’Elisabeth : les chevaux royaux sont d’une courtoisie exquise, eux.


Jean-Jacques Jugie