Les oeufs d’or du tourisme


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16 juillet 2012

Faute d’être toujours respectueux des lois, nous autres Français sommes très révérencieux à l’égard des traditions. Notamment celle consistant à instituer une trêve générale dans la période débutant à l’extinction des lampions du 14 juillet et s’achevant après les processions du 15 août. Par convention tacite, l’actualité prend un repos bien mérité, car les stagiaires remplacent en masse les journalistes professionnels. Quand ce ne sont pas les ordinateurs : il est désormais établi que des logiciels pisse-copie peuvent s’exonérer de l’Ecole de journalisme, et bafouiller des kilomètres d’articles sans alerter la vigilance du pékin. Ce sont les nouveaux Monsieur Jourdain de le la presse, qui font de l’information sans le savoir : belles machines, vos beaux disques durs nous font mourir d’ennui. Mais ce n’est pas très grave, puisque tout le monde n’attend des médias que la publication des bulletins météo. La vie ordinaire s’arrête : l’Hexagonal se montrant très soigneux dans la préparation de ses vacances, et très empressé d’en faire la narration à ses collègues de travail, les deux mois d’été sont complètement paralysés pour l’activité.

Sauf pour le secteur touristique, bien entendu. Envié sur la planète entière pour son art de vivre, notre pays attire chaque année des cohortes de curieux. En troisième position sur le podium de la transhumance, la France ne tire pourtant pas autant de profit qu’elle le pourrait de ses beaux yeux. Comme le signale dans Le Figaro la très charmante journaliste (titulaire) Annelot Huijgen, le ministre du Tourisme s’émeut de la lésine de nos visiteurs, statistiquement moins dépensiers qu’ils ne le sont aux Etats-Unis ou en Espagne, nos devanciers au palmarès des destinations touristiques les plus courues. Selon le diagnostic ministériel, notre pays « vivrait sur ses acquis ». Sur ses appas, si vous voulez. Ou sur ses charmes, si vous préférez, lesquels subissent, comme chacun sait, l’outrage du temps. Il faut désormais recourir au ravalement de façade, en empruntant sans doute aux Américains la trousse de maquillage de Disneyland. A moins que les statistiques ne soient trompeuses. Si l’on mesure le tourisme au compteur du franchissement de nos frontières, alors les chiffres doivent-ils être largement retraités. Car nombre de vacanciers du nord de l’Europe se hâtent de traverser la douce France pour rejoindre l’Espagne, leur destination favorite. A la vitesse de leur puissantes berlines, comme les Allemands, ou en consommant leurs propres réserves de bouche, comme les Hollandais : nous ne gagnons que les miettes du péage. On suggère donc à notre ministre une autre stratégie : plutôt que de restaurer le parc hôtelier (trop coûteux) ou de rendre les Français polyglottes (trop ambitieux), il faut dézinguer nos autoroutes.

La recette du jour

Brigandage touristique

Vous habitez une région charmante qui n’attire pourtant pas de touristes étrangers. Bien que les hôtels du voisinage soient à-peu-près habitables. Répandez sur l’autoroute des monceaux de caillasse et des sacs de clous. Si cela ne suffit pas à immobiliser le flux, rançonnez les voyageurs. Et déclarez au fisc vos profits pour doper les stats du tourisme.


Jean-Jacques Jugie