Le moi et le surpoids


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23 juillet 2012

Vous ambitionnez d’être en vie en 2050 ? Très bien. C’était la bonne nouvelle. La mauvaise, maintenant : il y a une probabilité de 60% que vous soyez obèse à cette échéance. Tel est le pesant verdict énoncé par une récente étude de Bank of America et commenté dans cet article de La Tribune. Il apparaît que les Yankees, spécialistes mondiaux des régimes hypercaloriques, dépasseront déjà le seuil de 50% dans moins de vingt ans. La planète risque de gîter méchamment du côté du continent américain, au risque de provoquer des nausées au reste du monde. Mais hélas pour eux, les Européens s’emploient à rééquilibrer la balance : le nombre d’obèses croît au rythme d’un triplement tous les trente ans. Autant dire qu’à cette cadence, nos petits-enfants sont gravement menacés : s’ils conservent notre sveltesse, ils ont toutes chances de se faire bouffer par les poids-lourds ultra-majoritaires, après s’être fait délester de leurs revenus pour financer le coût exorbitant du surpoids. Et rien ne sert de s’expatrier. Les pays émergents sont eux aussi touchés par le fléau : leurs populations passent sans transition du rachitisme à l’obésité. On dit merci qui ? Chacun connaît la réponse : la qualité douteuse des produits, les habitudes alimentaires largement importées des States et l’industrialisation galopante du rata quotidien.

Autant dire que dans de telles perspectives, les « florissantes multinationales du sucre et du gras  », selon la célèbre formule du Pr Franck Iacona, peuvent commencer à mettre de l’argent de côté pour faire face aux inévitables class actions des temps à venir. Et en même temps revoir de fond en comble les recettes de leur prêt-à-avaler. Comme le fait observer La Tribune, la pandémie de surcharge pondérale génère certes du business direct, en médicaments et nouvelles nourritures réputées saines. Mais outre le coût collectif du traitement médical de l’obésité, des dommages collatéraux affectent les entreprises : mobilité réduite et absentéisme les pénalisent de plus en plus, sans compter les équipements spéciaux que requiert un gabarit hors norme (une compagnie aérienne envisage même de proposer des sièges deux fois plus larges, afin de pouvoir y encastrer les postérieurs XXL). Il en résulte, nous dit l’article, que les embarras conséquents sont deux fois plus lourds que ceux générés par le tabagisme. Il paraît donc raisonnable, à titre préventif, de rétablir la licéité de la pétune dans l’entreprise, et d’y remplacer les distributeurs de friandises par des bureaux de tabac. Car il faut noter un bénéfice accessoire non négligeable de la clope : c’est un coupe-faim avéré. Les gros qui sont gros fumeurs, dites-vous ? Ben oui, désolé : leur cas est désespéré. Sauf à les transférer dans votre filiale au Bengladesh : si le rationnement ne les aide pas, ils pourront au moins tester le régime par mauvaise conscience.

La recette du jour

Austérité au rapport

Afin de rétablir vos finances, vous êtes décidé à passer le train de vie de votre maison à la moulinette. Comme prévu, vous êtes le seul à être d’accord avec vous. Si vos opposants se montrent virulents, faites servir en hors d’œuvre le dernier rapport de Bank of America. Ils comprendront que dîner d’un flan de courgettes agrémenté d’une salade verte, c’est plutôt cool, finalement.


Jean-Jacques Jugie