Morale publique et schizophrénie


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27 juillet 2012

Ainsi donc, il serait nécessaire de « moraliser la vie politique » ? Est-ce bien prudent de bouleverser les règles du métier ? Est-ce bien honnête à l’égard des citoyens ? Ces derniers ont élu leur dernière Assemblée en toute connaissance de cause, en choisissant leurs députés sur les critères ordinaires de la sélection darwinienne : une personnalité bagarreuse, une mauvaise foi éprouvée, un cynisme avéré. Exiger d’eux qu’ils renoncent à la rouerie consubstantielle à la fonction, qu’ils sanctifient la loi et sacralisent la morale, c’est les exposer à la schizophrénie. Bon d’accord : nos institutions sont devenues une caricature de démocratie. Mais est-ce bien raisonnable de remplacer une assemblée de braillards d’opérette et de godillots endimanchés par une cohorte de législateurs indécis et délirants ? Une révolte contre le relâchement des mœurs publiques ? Non, Sire, c’est une révolution. Il faut le dire tout net : nous autres pékins moyens ne sommes pas prêts pour un tel chambardement. Laissons aux politiques leurs imperfections : au moins est-on habitués aux aberrations qui en résultent. Que les élus soient soudainement « moralisés » et Dieu seul sait ce qui en résulterait. Merci beaucoup, on a déjà suffisamment de problèmes sur les bras.

Heureusement, il y a matière à reléguer cette initiative au rang de la communication cosmétique. D’abord, par le choix du président de ladite commission, dont on ne mettra ici en cause ni la probité, ni l’intégrité, ni la sincérité. Seulement la représentativité : il est le seul personnage public de notre Histoire à s’être fait complètement laminer aux présidentielles, alors que les sondages lui accordaient la victoire dans un fauteuil. Preuve, s’il en était besoin, que les Français répugnent à accorder leur confiance à un austère moral, surtout s’il ne se marre pas. Le deuxième indice d’insignifiance de la démarche est d’ordre technique. Figurez-vous que les membres de la Commission, qui vont travailler deux mois d’arrache-pied, ne seront pas rémunérés. Il en résulte que les évangiles de la morale politique vont être rédigées par des bénévoles. En économie libérale, c’est avouer sans fard que la morale publique ne vaut pas plus que de la roupie de sansonnet. Voilà qui expose les évangélistes eux-mêmes au risque de schizophrénie : ils devront être rémunérés sur les fonds secrets.

La recette du jour

Bonne conscience par commission

Vous êtes chef de votre communauté et vos ouailles s’insurgent contre vos atteintes manifestes et réitérées aux lois élémentaires de la moralité. Prenez les choses en main. Instituez une commission chargée de crever l’abcès et dormez tranquille. Car vous connaissez la définition de John le Carré : « Une commission est un animal avec quatre pattes de derrière  ».


Jean-Jacques Jugie