La loi du violet


Blog


30 août 2012

Bon, il fallait s’en douter. Qui, selon vous, a profité le plus de la crise financière ? Si vous le savez d’expérience, ne vous dénoncez pas, car c’est la mafia. Ce blog du Monde attire l’attention sur les articles de Roberto Saviano, publiés par le New York Times et La Repubblica. Saviano s’est rendu célèbre avec son Gomorra, et sa célébrité dépasse largement la métropole napolitaine. Le constat est simple : quand le système bancaire est en crise, il a besoin de gros paquets de cash. Certes, la Banque centrale s’emploie alors à irriguer les banques nécessiteuses, tant que l’on reste dans un problème de liquidité. Mais si la solvabilité de l’établissement est en péril, la seule solution consiste à se procurer du « vrai argent », c’est-à-dire des biffetons, ailleurs qu’auprès de la Banque centrale. Où donc ? Facile : les plus grosses quantités immédiatement disponibles se trouvent dans les poches profondes du crime organisé.

Cela ne signifie pas qu’en temps ordinaire, les banques ne participent pas au blanchiment. Pour que les espèces réintégrent le circuit officiel, il faut bien l’intervention de banquiers – volontaire ou à l’insu de leur plein gré. Seulement voilà : pour un service efficace sur des volumes industriels, le pressing coûte plutôt cher. La crise a donc constitué une aubaine formidable pour la mafia : désespérément à court d’argent, certains banquiers ont préféré recycler des containers de fonds sulfureux plutôt que de sauter. Un business gagnant-gagnant sur lequel il est permis de supposer que les autorités de contrôle ont préféré jeter un voile pudique : le « risque systémique » est plus effrayant que le risque pénal. Selon l’ONU, pas moins de 580 milliards de dollars auraient été lessivés sur la seule année 2009. On apprend accessoirement que les billets de 500 euros, les sympathiques « violets », représenteraient 70% des espèces en circulation en Espagne : nos voisins aiment sans doute laisser de gros pourboires au restaurant, ce que l’on ignorait. En revanche, on a relevé une inexactitude dans l’article, lorsqu’il est question de loger 10 millions d’euros dans un coffre de 45 cm de haut. Après avoir empilé les violets correspondants, le billettiste a fait le test : 9 376 500 euros, pas plus. Finalement, ce n’est pas la peine de renoncer à la bonne vieille lessiveuse.

La recette du jour

Le violet et la prospérité

Vos affaires commençaient à prospérer et voilà que la crise est arrivée. Juste avant les augmentations massives d’impôt. Ne désespérez pas. Convertissez-vous à l’activité souterraine. Si vous ne savez pas comment, demandez à l’ONU. Empilez gentiment vos violets : lors de la prochaine crise financière, vous pourrez vous offrir une banque ou deux. Cela ne vous rendra pas honnête, mais au moins vous serez respecté.


Jean-Jacques Jugie