Les angoisses du siècle


Actualités


18 septembre 2012

Chaque époque génère ses frayeurs, justifiées ou fantasmatiques. Les temps présents focalisent les angoisses sur le « dérèglement » climatique, le nucléaire et les OGM. Trois thèmes sur lesquels les milieux scientifiques présentent des avis parfois concordants, parfois controversés. Mais l’opinion y reste sourde.

Nos sociétés sont confrontées à quelques thématiques qui engendrent systématiquement la chicane. On laissera ici de côté celles, immémoriales, qui relèvent de la philosophie ou de la religion, pour s’arrêter à quelques controverses que la science est susceptible de clarifier. A l’exception de l’économie, bien sûr, cette pseudoscience qui résulte du mariage improbable du maraboutisme ésotérique et des mathématiques pythagoriciennes. Il est plaisant d’observer que les « débats de société » les plus acharnés sont largement alimentés par les scientifiques eux-mêmes, reconnus comme tels par le pékin lorsqu’ils émettent un avis conforme à son opinion, et comme des charlatans dogmatiques (ou vendus à une cause quelconque) dans le cas contraire. Bref, le phénomène le plus marquant des temps présents, c’est la défiance généralisée en l’expertise scientifique, en phase avec la décote massive de la sincérité dans le discours politique. Il en résulte que de plus en plus souvent, la conviction individuelle se forge à partir des sources intarissables du web, où se côtoient, en toute démocratie, spécialistes patentés et authentiques charlatans, analyses pertinentes et éructations allumées.

Sans compter les développements fantasmagoriques émanant d’autorités scientifiques reconnues, ou à tout le moins classées comme telles. Le meilleur exemple est celui de la science du climat, qui abrite deux grandes familles : les météorologistes, qui avouent sans honte le haut degré d’incertitude qui entache les prévisions à court terme, et les climatologues, dont certains n’hésitent pas à prédire avec aplomb le temps qu’il fera quand vos arrière-petits-enfants seront à la retraite. Parmi ces derniers, on repère une cohorte de « réchauffistes » véhéments en charge des destinées du GIEC [1], qui se sont rendus coupables d’approximations, d’omissions voire de falsifications, afin de promouvoir leur approche catastrophiste. Une telle dérive était largement prévisible : la mission de cet organisme est d’étudier « les risques liés au changement climatique d’origine humaine ». Si de tels risques se révélaient marginaux, voire inexistants, ledit GIEC serait immédiatement dissous ; ses membres perdraient leurs prébendes et les innombrables chercheurs, attirés par la haute température du sujet, verraient s’évaporer les budgets substantiels que les gouvernements n’hésitent pas à lui consacrer. Entendons-nous bien : le chroniqueur n’a aucune compétence en matière de climat. Mais il constate que les nombreuses protestations de climatologues éminents, portant surtout sur l’absence de méthodologie scientifique du GIEC, sont pudiquement absentes de la grande presse française : chez nous, il est incorrect de mettre en doute « les dérèglements climatiques d’origine anthropique » et notamment les émissions de CO2, supposées transformer notre Terre en gigantesque poêle à frire. Cette hypothèse est peut être pertinente, mais elle n’est absolument pas démontrée. Il existe heureusement des bases de données bien documentées pour permettre aux non-spécialistes d’appréhender le sujet [2].

Nucléaire et OGM

Après le climat, pas encore suffisamment « déréglé » pour nous anéantir, le nucléaire. Là, c’est une autre paire de manches. Notre ministre du Redéploiement a récemment jeté un pavé dans la mare écologiste, en déclarant que le nucléaire « est une filière d’avenir ». C’est en tout cas une filière du présent : en France, 78% de l’électricité est d’origine nucléaire. Un tel mode de production est donc nécessairement appelé à perdurer, quand bien même des investissements massifs seraient-ils consacrés aux énergies renouvelables. Il faut certes convenir qu’en cas d’accident, les conséquences sont autrement catastrophiques que l’excès de gaz carbonique. Si bien que le débat est amplement justifié, mais il doit être ramené à sa juste dimension : la prévention du risque. On a déjà abordé la thématique dans ces colonnes : la sécurité optimale d’une centrale exige des moyens dont le coût considérable vient nécessairement en conflit avec les exigences de rentabilité d’une entreprise. Il est donc absurde, sinon criminel, d’autoriser la propriété privée d’une centrale nucléaire. Notre ministre redéployeur serait ainsi très productif en faisant opérer leur (re)nationalisation. Sans disparaître pour autant, le risque d’accident pourrait ainsi être ramené au plus près de zéro, quel que soit le prix à payer pour un tel résultat (en contrepartie de l’indépendance énergétique, qui est un enjeu capital pour le pays).

Enfin, les OGM. En France, c’est un sujet très sensible auprès de la population. Les appréhensions sont compréhensibles : en matière de plantes, le génie génétique fait peur, tant pour ses conséquences sur l’environnement que pour ses implications dans la santé humaine et animale. Et puis, modifier les espèces ou en créer de nouvelles, voilà une démarche sulfureuse, même pour des mécréants. Là aussi, le sujet est sacrément complexe. On doit donc saluer la démarche initiée par la Suisse, au travers de son Programme national de recherche PNR 59 [3], qui s’achèvera l’année prochaine mais qui a déjà fait l’objet d’un rapport d’étape. Par la diversité de ses composantes, le groupe de travail est peu suspect de partialité. Et ses premières conclusions sont sans ambiguïté : aucun risque significatif n’a été identifié avec les OGM, ni pour l’environnement, ni pour la santé. Encore que sur ce dernier point, les travaux se résument à une compilation des études antérieures. Quoi qu’il en soit, la contestation gronde déjà dans les chaumières helvétiques…


Jean-Jacques Jugie