Pandémie : la ciguatera politique


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1er octobre 2012

En matière de protection de la Nature, les écolos n’ont pas forcément toujours raison. Non, on ne parle pas de nos ministres verdoyants, qui n’hésitent pas à polluer le climat gouvernemental, mais des écologistes réunionnais. A propos des requins. Les redoutables bestioles marines, s’entend, celles qui ont des ailerons aphrodisiaques et des ratiches castratrices. Les squales ont récemment taillé un short aux surfeurs imprudents, sur une simple méprise : ils les confondent avec les phoques ou les otaries, leur menu préféré. Mais le surfeur n’est pas assez gras à leur goût : voilà pourquoi ils recrachent aussitôt le morceau après avoir mordu ces bellâtres ras-du-bonnet, qui prolifèrent comme les algues sur les plages bretonnes et ravagent des cohortes entières de midinettes décérébrées. En foi de quoi le Préfet du lieu a-t-il ordonné des captures massives. Non, pas la capture de surfeurs, hélas ; celle de requins-tigres et de requins bouledogues, des espèces ordinairement protégées que les pêcheurs locaux braconnent toutefois au mépris de la loi.

Mais c’est sur un alibi sanitaire que les autorités ont décidé ces prises. Pour vérifier si les squales en cause ne sont pas empoisonnés : tout au bout de la chaîne alimentaire, les prédateurs aux dents d’acier concentrent en effet toutes les saletés de ce qu’ils ont consommé, comme les microalgues vénéneuses provenant des récifs coralliens et qui provoquent la ciguatera, une intoxication alimentaire redoutable. Vous mangez un aileron pour doper votre libido et vous vous retrouvez aussi déprimé qu’un flétan pané. Les écolos réunionnais sont donc mal fondés à contester l’initiative préfectorale, qui mériterait d’être étendue à une espèce de squales autrement plus dangereuse pour la survie du sapiens : les requins-politiques, qui se trouvent systématiquement au bout de la chaîne de commandement de l’autorité publique. Ces grands prédateurs se nourrissent de toutes les idées et de toutes les théories les plus indigestes et les plus toxiques, émanant des économistes, des financiers, des experts et autres rebouteux, au point de concentrer des poisons destructeurs pour les populations. En ce moment, la planète est menacée par le venin de l’austérité, qui s’est concentré à dose massive chez les dirigeants du monde entier. La Faculté redoute une pandémie de ciguatera aiguë. Car l’ingestion quotidienne d’austérité provoquerait l’inanition.

La recette du jour

Régime anti-toxines

Vous connaissez les dangers de la concentration des toxines dans la chaîne alimentaire : renoncez au filet de murène, au steak de mérou et à l’aileron de requin. Préférez le plancton. Vous soupçonnez la nocivité du politiquement correct : renoncez au JT et snobez les débats budgétaires. Quand vous aurez faim, relisez Gargantua : c’est nourrissant.


Jean-Jacques Jugie