Le Royaume pour un demi


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2 octobre 2012

On comprend maintenant pourquoi certaines personnalités éminentes du monde des affaires ont choisi de résider en Belgique. Ce n’est pas du tout pour des raisons fiscales, voyez-vous, que monsieur Bernard A., qui porte haut les couleurs du luxe à la française, a choisi d’y résider. Ce n’est pas non plus pour y côtoyer les M., cette famille de grands distributeurs du Nord qui a installé aux champs estaimpuisiens une bonne partie de sa tribu. Cela n’a rien à voir avec l’aimable traitement que le Trésor belge réserve aux dividendes, aux plus-values et, hum, à la fortune, contrairement à son homologue français qui a pris de bien fâcheuses habitudes en la matière, depuis l’an de grâce 1981. Et qui maintenant exploite avec succès ses désavantages comparatifs. Non, les questions d’impôt sont subalternes pour les milliardaires, qui savent mieux que quiconque soigner leurs intérêts, ce pourquoi ils sont devenus si riches. En fait, la première raison de ces transhumances frontalières, c’est que la Belgique est un pays charmant et que les Belges sont adorables. Pour peu que Flamands et Wallons cessent un jour de se friter, le Royaume deviendra même paradisiaque. Voilà la première raison, mais ce n’est pas la seule.

Pour réussir dans la vie, il faut savoir anticiper. Ou bénéficier d’informations d’initiés. En foi de quoi nos grands capitaines ont-ils judicieusement pressenti le plus mauvais coup qu’un gouvernement puisse porter aux populations septentrionales : le fort relèvement des taxes sur la bière. Car tout Nordiste digne de ce nom ne peut passer une seule journée sans avaler une paire de chopes (dans ces contrées, la paire vaut beaucoup plus que deux). Ce renchérissement intempestif est une source potentielle de désordres majeurs ; de rebellions peut-être, sinon d’émeutes, voire d’une révolution. Souvenez-vous de la brioche de Marie-Antoinette. D’où l’avantage, vous l’avez compris, de résider en Belgique, où la pils est savoureuse ; servie très fraîche, bien pétillante, joliment crémeuse et toujours dotée de cette pointe d’amertume qu’apprécient les amateurs. Et en plus, elle est moins chère. Pour parfaire le tableau, il suffit de faire un saut au Luxembourg voisin pour enrichir son stock de havanes aristocratiques ou de clopes roturières, avec un boni de 40%. Et profiter du déplacement pour faire le plein de gazole à bon compte, avant de retirer un peu de monnaie exonérée de ses comptes secrets. La Belgique, c’est vraiment cool. Bon, maintenant, on vous laisse. Le temps d’aller se pomponner : Albert II a promis au billettiste de le convier à déjeuner chaque fois qu’il écrira une paire de gracieusetés sur le Royaume. Par les temps qui courent, on ne va pas refuser un avantage en nature exonéré d’impôts.

La recette du jour

Mousse de profits

Vous êtes dans le commerce depuis toujours et craignez que vos concitoyens ne soient anesthésiés par une volée de taxes. Il faut anticiper. Investissez dans un bar à bière à Bruxelles et dans une civette à Luxembourg. Vos clients feront avec plaisir le déplacement, après avoir fait le plein en Ukraine : le carburant y est deux fois moins cher, savez-vous.


Jean-Jacques Jugie